sortir du monde

Sortir du monde : une trajectoire de réconciliation

Marouane Bakhti publie son premier roman Comment sortir du monde qu’on peut inscrire dans la lignée des jeunes auteur·rices comme Fatima Daas, Djalil Djezzar ou Édouard Louis. Ce premier roman est poignant et bouleversant. Il l’est parce qu’il évoque les tourments liés au fait d’être gay et arabe, de se savoir intimement différent au point de désirer sortir du monde duquel on vient, pour s’émanciper dans un autre.

Ce roman est le récit d’une fuite nécessaire à la survie, pour s’émanciper du silence. Né d’une « fille d’ici »  et d’un père « Arabe » qui vivent dans la campagne française, le jeune garçon comprend sa différence avec le monde qui l’entoure: il est gay et ne parle pas la langue de son père. Désespérément, il cherche sa place et nourrit continuellement une colère contre le monde qui l’entoure. Ne sachant qui il est vraiment, il décide de quitter ce monde rural pour rejoindre Paris et s’émanciper de la Hchouma (la honte) : « je voulais partir à tout prix. Quitter la laideur (…) je voulais tout tuer, éradiquer ma ruralité et le désert érotique dans lequel j’ai erré si longtemps là-bas »

(re)construire l’identité

Ce roman questionne les identités qui s’hybrident dans un morcellement douloureux. Il interroge les difficultés d’intégration de la diaspora maghrébine en France : « La diaspora (…) Ce sont des gens qui font des enfants en leur racontant un retour au pays impossible et ces mêmes gens qui en font d’autres en leur disant : “je ne sais pas ce que nous sommes, débrouille-toi, invente” ». Ces enjeux identitaires s’imbriquent avec les mécanismes de race et de classe sociale. Car comme dans beaucoup de trajectoire, la colère engendre d’abord le rejet de la culture d’origine. Le narrateur raconte comment il a dénigré son milieu d’origine pour intégrer le milieu parisien. Il raconte aussi son rapport aux hommes qui cherchent en lui la sauvagerie de l’Arabe : « on est déçu de savoir que je ne suis pas tout arabe non plus, que je suis un peu mélangé, un peu dilué, moins excitant ».

Après l’errance, vient l’ancrage. C’est après plusieurs tumultueuses années qu’a lieu la réconciliation avec le père, la religion musulmane et la langue arabe. Le roman se termine sur cette possibilité: qu’on peut être musulman, gay, français et marocain. La brume du départ se dissipe et laisse place à la réconciliation. Le chemin est agité, orageux, mais l’arrivée est salvatrice et en vaut la peine.  

sortir du monde

À lire Comment sortir du monde de Marouane Bakhti (Les Nouvelles Éditions du Réveil). En librairies.

Poster un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.