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Arabes, gays et révolutionnaires : être gay après les printemps arabes

La Lesbian and Gay Pride de Lyon, SOS Racisme et la Ligue des Droits de l’Homme organisent un débat sur la situation des LGBT dans les pays arabes post-révolutionnaires. Un an après le printemps arabe, celle-ci s’est-elle détériorée ?

Lorsqu’on évoque la situation des gays et des lesbiennes dans les pays arabes, les premières images qui viennent à l’esprit de beaucoup d’homos occidentaux sont des visions souvent confuses et apocalyptiques de pendaison, de lapidation ou de décapitation. Et quand les islamistes triomphent dans les urnes en Égypte ou en Tunisie, quand le nouveau pouvoir libyen promet l’instauration de la charia, il s’en faut de peu pour que certains n’en viennent à regretter le temps des dictatures dites «laïques» (sic) des Moubarak, Ben Ali et Kadhafi.

Pourtant, si le sort des homos de ces pays ne s’est guère amélioré depuis le Printemps arabe, leurs difficultés n’ont pas débuté l’année dernière, loin de là. Et les contraintes légales qu’ils doivent endurer changent grandement suivant les pays : l’homosexualité est ainsi autorisée (quoique très largement réprouvée socialement) dans une poignée de pays de la région, comme l’Irak, la Jordanie ou les territoires cisjordaniens occupés par Israël ; à l’opposé, elle peut être punie de mort en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, au Yémen et au Soudan. Mais la règle qui prévaut dans la plupart des régimes arabes est celle de l’amende ou de l’emprisonnement, pour des durées pouvant aller jusqu’à dix ans. À travers cette variété de situations, les gays arabes parviennent malgré tout, au prix de grandes difficultés, à faire exister une vie homosexuelle cachée mais bien réelle.

Discrétion obligée

Hazem (le prénom a été modifié), trente-quatre ans, travaille dans le secteur informatique pour une grande multinationale américaine à Alexandrie, en Égypte. Dans cette ville de plus de quatre millions d’habitants, c’est surtout à travers Internet ou son réseau d’amis qu’il peut rencontrer d’autres homos, car les lieux de sociabilité gay sont rares, même si quelques «initiés» se retrouvent parfois au spa de l’hôtel Hilton, ou dans un bar très fréquenté par les touristes, le Cap d’Or. Mais Hazem veille à ne pas abuser des rendez-vous : «j’ai peur de faire plus de rencontres. C’est risqué de voir beaucoup de mecs», confesse-t-il.

Plus de dix ans après les faits, tous les homosexuels égyptiens gardent encore en mémoire l’affaire du Queen Boat : en mai 2001, cinquante-deux hommes ont été arrêtés à bord d’une discothèque gay flottante du Caire, le Queen Boat, et accusés de «débauche invétérée» et «comportement obscène» ou de «mépris de la religion». Dans son entourage, aucun hétéro ne sait qu’il est gay, même si certains nourrissent quelques doutes. Mais il est hors de question pour lui de s’en ouvrir à ses proches. Il l’a fait auprès de trois de ses amis lorsqu’il était encore étudiant à l’université ; aucun ne lui a plus jamais adressé la parole. Certains de ses amis, en revanche, ont fait leur coming-out à leurs familles ; l’un d’eux a du quitter son pays et vit désormais en France ; un autre vit désormais seul, sans aucun contact avec ses parents et ses frères et sœurs.

La révolution n’est pas terminée

Hazem a soutenu la révolution qui a débuté le 25 janvier 2011 sur la fameuse place Tahrir (autrefois réputée pour être un lieu de rencontre et de drague homo !) et qui a rapidement abouti à la chute du dictateur Moubarak, au pouvoir depuis plus de trente ans. Paradoxalement, il est plutôt optimiste quant à l’avenir de son pays… mais pessimiste en ce qui concerne le sien en particulier, et celui des LGBT égyptiens en général. La faute selon lui à la puissante congrégation des Frères musulmans et à leurs rivaux salafistes, parfois plus radicaux encore : «les choses empirent chaque jour en Égypte parce que les gens deviennent de plus en plus religieux et parce que les extrémistes sont aujourd’hui entrés sur la scène publique».

Est-ce à dire que le printemps arabe est déjà entré dans son hiver ? Il est sans doute trop tôt pour tirer de telles conclusions, d’autant que les révolutions arabes sont loin d’être terminées. Aujourd’hui, comme n’importe quel pays après un changement de régime, l’Égypte, la Tunisie, la Libye et le Yémen se cherchent, et les gays arabes avec eux.

 

Photo extraite du film Toute ma vie (Toul Omry, 2008), l’un des premiers films égyptiens à parler ouvertement d’homosexualité

 

 

Un blog pour porter la voix des gays

En février 2011, alors que la rue se soulève contre Moubarak, un jeune apprenti médecin gay du Caire, âgé de 22 ans et se présentant sous le pseudonyme d’IceQueer, s’attire une certaine notoriété grâce à son blog, sur lequel les descriptions des événements de la place Tahrir alternent avec des réflexions sur la place de l’homosexualité dans la société égyptienne. Bien que son blog ne soit plus alimenté que de façon très irrégulière ces derniers mois, il n’en demeure pas moins un témoignage très intéressant sur la vie gay au cœur des révolutions arabes.

http://confessions-room.blogspot.fr
Twitter : @IceQueer

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