Une marche de nuit non-mixte féministe organisée à Lyon

Un collectif féministe informel organise une marche de nuit non-mixte «pour dire que la nuit, la rue nous appartient».

Il y a un an, le géographe Yves Raibaud publiait les résultats de plusieurs études réalisées entre 2010 et 2013 à Paris, Toulouse, Bordeaux et Montpellier. Celles-ci montraient combien l’espace urbain était très largement pensé et aménagé par et pour les hommes et les garçons, au détriment des femmes et des filles. Ces inégalités de genre, déjà très fortes le jour, s’accroissent encore la nuit : la rue devient alors le territoire quasi-exclusif des mâles, tandis que beaucoup de femmes préfèrent rester chez elles ou se déplacer accompagnées d’un homme pour éviter d’être accostées, sifflées, agressées ou violées. C’est pour pointer du doigt la persistance de ce problème qu’un collectif informel d’une douzaine de «meufs, gouines et trans» (ainsi qu’elles se définissent elles-mêmes) organise le 10 avril une marche de nuit non-mixte et féministe.

Certaines d’entre elles militent par ailleurs au Planning familial ou au Collectif lesbien lyonnais, mais elles participent à la préparation de cette marche en leur nom propre et sans être les représentantes de ces structures. Des manifestations similaires avaient déjà été organisées à Lyon en novembre 2011 et mars 2013. Avec, à chaque fois, les mêmes débats : pourquoi exclure de cet événement les hommes cisgenres (c’est-à-dire non-transgenres) solidaires de la cause féministe ?

Multiples mots d’ordre

«La non-mixité est vieille comme le monde» argumentent Naïma et Marlène, deux des organisatrices de cette marche de nuit non-mixte. «Il a toujours existé et il existe encore des lieux qui, dans les faits, sont réservés aux hommes cisgenres. La rue la nuit en fait partie. Mais la non-mixité masculine est le plus souvent intégrée, donc invisible». Outre le choix de la non-mixité, on trouvera également matière à débats et à réflexions dans le mot d’ordre de cette marche. Ou plutôt les mots d’ordre, tant les revendications et les raisons avancées pour participer à l’événement sont nombreuses : «pour vivre librement quels que soient nos genres et nos sexualités», «contre les violences transphobes» mais aussi «contre les discriminations et les agressions que subissent les femmes voilées» ou «contre les lois qui stigmatisent les travailleuses du sexe».

marche de nuit non-mixte féministe 8 mars 2013 a Lyon heteroclite

«On ne peut pas être féministe sans combattre tous les rapports de domination, qu’ils soient sexistes, homophobes ou racistes» justifient Naïma et Marlène. «Un message plus consensuel aurait aussi été un message politiquement moins fort». La précédente marche de nuit non-mixte avait réuni environ deux cents femmes. Tout l’enjeu de cette troisième édition est de parvenir à élargir la participation au-delà des cercles militants traditionnels (en intégrant par exemple des groupes de femmes étrangères qui ne revendiquent pas forcément leur féminisme) et de dépasser les divisions du mouvement. «Toutes les participantes ne sont pas obligées de reprendre les mêmes slogans, ni de se reconnaître dans chacune des revendications», précisent nos deux interlocutrices. L’essentiel étant, pour toutes ces femmes, au-delà de leurs différences d’opinion, de sexualité ou d’origine, de se réapproprier à la fois la rue et la nuit.

 

Marche de nuit non-mixte, vendredi 10 avril à 20h (départ place la Croix-Rousse-Lyon 4)

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