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Alain Guiraudie, un cinéaste irréductible à (re)découvrir

Si le grand public a découvert le talent hors norme du cinéaste Alain Guiraudie avec le succès inattendu de L’Inconnu du lac, cela fait une bonne quinzaine d’années qu’il compose son univers follement singulier. L’hommage que lui rend cette année Écrans Mixtes va être l’occasion de s’en rendre compte…

Quiconque a vu L’Inconnu du lac – c’est-à-dire un bon nombre de spectateurs, vu le succès surprise de ce film – sait désormais qu’Alain Guiraudie est un cinéaste incomparable, et que l’homosexualité telle qu’il la filme, frontalement et sans faux-semblant, est tout aussi peu réductible aux approches habituelles. Car cet étrange polar très sexué (ça baise sec entre mecs sur les rives du lac !) n’est que la dernière version des réinventions du genre par Alain Guiraudie.

Courts et longs métrages confondus, soit une petite dizaine de films, le cinéaste s’amuse en effet à tout revisiter sans aucun tabou ni aucune limite, injectant du sexuel là où on ne le l’attend guère (une usine désaffectée par exemple dans Ce vieux rêve qui bouge), montrant du pédé tel qu’on n’en voit pas souvent à l’écran (quadra et enrobé comme dans Le Roi de l’évasion), mixant le western et le film régionaliste du Sud-Ouest de la France (Pas de repos pour les braves), inventant des mots, des noms, des pays avec un sens poétique toujours savoureux…

Ce faisant, Alain Guiraudie ne fait rien d’autre que créer littéralement une langue, un langage cinématographique qui n’appartiennent qu’à lui et qui pourtant parlent à tous : pas besoin de traducteur en effet pour saisir ce que le cinéaste offre à voir dans les grands espaces naturels qui sont ses décors favoris.

Du cul et de l’homosexualité partout

Un monde facétieux et pourtant hanté par le social parfois le plus accablant (la déréliction du monde ouvrier, mais aussi du monde rural), des histoires dont l’étrangeté gentiment barrée n’en finit pas pourtant de renvoyer à nos préoccupations intimes (le désir et ses objets, l’âge qui vient, la peur de la solitude, celle de la mort…), des fictions qui osent s’écarter des chemins bien balisés de la narration pour s’offrir des embardées vers le fantastique et le fantasmatique versant gay – puisque, quoi qu’il se passe, c’est toujours du côté du cul (souvent cru) que Guiraudie nous entraîne.

Et c’est une singularité de plus (pas la moindre !) que d’installer ainsi, avec une évidence confondante, l’homosexualité dans tous les recoins de ses récits à l’accent aveyronnais (ses héros parlent comme lui) : une homosexualité charnelle qui n’est jamais le sujet de ses films mais qui en est le cœur battant, l’ADN d’une certaine manière.

En cela, Alain Guiraudie est un moderne, ô combien. Pour le reste, son cinéma libre, indiscipliné, engagé, inventif, audacieux, joyeux et tragique est magnifiquement hors du temps.

Ce vieux rêve qui bouge (2001) d’Alain Guiraudie, disponible en replay sur le site d’Arte jusqu’au 31 mars 2021. 

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