Olivier rey le lavoir public credit denis svartz

Olivier Rey monte “Huis clos” de Sartre au Lavoir public

Alors qu’Olivier Rey, metteur en scène à la tête du Lavoir public depuis février 2012, se met en retrait de la gestion de la salle pour se consacrer davantage à son activité artistique, il évoque avec nous les projets de la saison à venir.

Quelles sont les missions, les lignes directrices du Lavoir public depuis le début ?

Olivier rey le lavoir public copyright denis svartzOlivier Rey : Le lieu a toujours rempli sa mission : nous sommes les petites mains de la culture mais ça ne nous empêche pas de faire de grands projets. Le Lavoir public est un lieu à la disposition des artistes, j’insiste là-dessus. Notre taux d’occupation est quasiment de 100%, c’est-à-dire qu’il se passe quelque chose ici tous les jours, qu’on soit ouvert au public ou non. Nous accueillons des compagnies en résidence, des répétitions, des mises à disposition pour divers projets qui ne se voient pas forcément, mais le lieu est occupé en permanence.

Comment le Lavoir public s’inscrit-il dans le paysage culturel lyonnais ? Avez-vous noté une évolution pendant les cinq années qui viennent de s’écouler ?

Olivier Rey : C’est un lieu qui a assez vite trouvé sa place et qui réussit à allier production culturelle, artistique et festive. Ce mélange, c’est le principe même du Lavoir qui a été mis en place dès le début, même si ça peut paraître à la mode aujourd’hui. En effet, en cinq ans, le contexte a beaucoup changé, la ville a beaucoup changé, les lieux ont beaucoup changé… Le panorama n’est plus le même. Par exemple avec le développement des scènes émergentes au théâtre : un dynamisme s’est conforté. Il y a également beaucoup plus de soirées aujourd’hui qu’il y a cinq ans, indéniablement. Quand on est arrivés, Lyon était un peu pauvre sur cet aspect et le Lavoir a créé une sorte d’appel d’air en imaginant une manière nouvelle de faire la fête.

Aujourd’hui, le contexte n’est plus du tout le même et je ne pense pas qu’on créerait le Lavoir tel qu’on l’a fait à l’époque si c’était à refaire maintenant. L’envie d’avoir un lieu facile d’accès pour les compagnies et pour les artistes où l’on puisse également faire la fête était une véritable revendication. Aujourd’hui, on trouve plus de lieux qui offrent ce genre d’opportunités.

Vous avez émis le désir de prendre du recul par rapport au Lavoir public. Comment cela va-t-il se matérialiser durant la saison à venir ?

Olivier Rey : Je ne serai plus directeur du Lavoir mais je reste président de l’association. Ce qui me semble important, c’est que ce lieu soit confié à un ou des artistes. Pour ma part, en tant qu’artiste, je n’ai jamais été frustré ou lésé de ce que j’ai fait au Lavoir, puisque j’ai l’impression que le spectacle y est permanent. Au bout de cinq ans cependant, c’est vrai que la gestion du lieu s’avère extrêmement chronophage. On se retrouve happé par les tâches quotidiennes et on manque de temps pour développer les projets qui marchent ou pour en développer de nouveaux. Donc, sur cette année, on met en place un passage de relais avec des personnes proches du Lavoir, qui connaissent le projet et y adhèrent : John Mahistre, issu des Beaux-Arts, et Johan Boutin, qui sort du Conservatoire et qui a beaucoup joué au Lavoir.

Je ne quitte ni le projet ni le lieu mais je serai moins présent afin de pouvoir me consacrer à la mise en scène et aux projets existants. Je pense qu’il y a besoin d’un renouvellement, ce qui est vrai pour n’importe quelle structure culturelle, à mon avis. Pour paraphraser Peter Brook qui disait «le diable, c’est l’ennui», la routine, pour un lieu culturel, c’est effrayant. Le Lavoir public, parce que c’est un lieu atypique depuis sa création, a été obligé de se réinventer en permanence. Et pour poursuivre cette réinvention, il faut peut-être aujourd’hui envisager les rôles de chacun différemment. C’est un lieu qui reste fragile et qui est porté par l’énergie des artistes et des bénévoles, qu’il est donc nécessaire de conserver.

Quand vous évoquez des projets existants à développer ou auxquels vous souhaitez vous consacrer davantage, pensez-vous notamment aux soirées Arm Aber Sexy ?

Olivier Rey : Les Arm Aber Sexy jouissent d’une véritable reconnaissance et on voudrait les développer et les sortir du Lavoir, ce que l’on fait déjà au Transbordeur. Le premier soir d’ouverture du Lavoir, on a fait une Arm Aber Sexy avec un principe simple : on boit des bières et on écoute du bon son. Ces soirées ont une véritable identité musicale, qui a été consolidée par l’arrivée d’Isabelle Favotte à la production.

On a également un nouveau concept de soirées qui débarque au Sucre à partir du 15 octobre. Ce seront Les Clubs Dimanche, une tranche de spectacle entre deux tranches de sons. On invite deux Dj’s et, entre leurs sets, on propose un vrai spectacle adapté au lieu. Pour la première, on accueille Dusty Kid et Calling Marian en Dj’s et, pour le spectacle, on fait un clin d’œil à la célèbre soirée de Plus Belle La Nuit qui se tient au Sucre, avec l’adaptation d’un poème déjanté, sulfureux et érotique de William Burroughs, chantre de la beat generation, qui s’appelle Les Garçons sauvages.

Et concernant les projets artistiques du Lavoir à développer ?

Olivier Rey : On poursuit le projet Radioscopies. Le principe est simple : on reprend les émissions Radioscopies de Jacques Chancel en proposant à un artiste invité d’interpréter le rôle de l’invité de l’émission. Les invités d’aujourd’hui sont les porte-paroles des invités d’hier. On a un petit studio vintage Radio France, qu’on installe au Lavoir, mais qu’on va déplacer dans différents lieux.

Ensuite, il y a Only Porn, festival porno alliant cinéma, théâtre et performances, qu’on accompagne depuis le début et qui est un sacré chantier. Les dernières éditions ont permis d’asseoir l’identité du projet, notamment avec l’arrivée de Wendy Delorme, mais on souhaite le développer parce que la question de la pornographie mais aussi des corps dans la création contemporaine est un terrain de jeu passionnant. Il nous reste à explorer des champs comme la pornographie dans la littérature, dans les arts graphiques et dans toutes les formes de création hybrides.

C’est un véritable continent devant nous et j’ai l’impression que, pour le moment, on reste sur le rivage par manque de temps. On réfléchit également à changer la forme du festival : augmenter la durée ou organiser des rendez-vous pendant l’année, même si la manifestation principale aura toujours lieu en décembre.

Sur un plan plus personnel, vous travaillez actuellement à la mise en scène de Huis clos de Jean-Paul Sartre, qui sera jouée au Lavoir public en septembre et en octobre. Pourquoi avoir choisi cette pièce ?

Olivier Rey : Certains parleront d’un retour à la mise en scène, mais c’est faux, car je ne l’ai jamais quittée. Mais me ré-attaquer à une pièce, cela faisait longtemps que je ne l’avais pas fait. Avec Huis clos, je ferme une boucle, en quelque sorte. Avant le Lavoir, j’ai monté il y a sept ans au Théâtre du Point du Jour L’Achat du cuivre de Brecht, qui invite à repenser la pratique théâtrale et qui a eu une réelle influence sur mon travail. L’action de L’Achat du cuivre se situe après une représentation théâtrale et lorsque le public entrait dans la salle, il voyait la fin de Huis clos.

En outre, j’ai beaucoup travaillé avec Michel Raskine, dont la mise en scène de Huis clos a marqué les esprits. Ce n’est pas la raison qui m’a fait choisir cette pièce mais c’est drôle de voir qu’il n’y a pas de hasard. Je cherchais une pièce pour trois acteurs – Johan Boutin, Pauline Drach et Marieke Sergent – et j’avais envie d’avoir un petit rôle. Je voulais aussi une pièce avec de l’humour – car il y a de l’humour dans Huis clos, il faut le dire. Et ce choix s’est imposé à moi.

Quelle est votre vision de Huis clos ?

Olivier Rey : La pièce me semble correspondre à ce qu’est le Lavoir aujourd’hui. Non pas que ce soit l’enfer, il ne faut pas exagérer, mais l’idée de transformer ce lieu de la pièce où les personnages sont enfermés en boîte à after où la nuit et la fête ne s’arrêteraient jamais m’a paru intéressante. En outre, si c’est l’enfer, c’est non seulement une boîte à after mais il n’y a plus rien. Les personnages ne dorment plus, ne pleurent plus, ne bandent plus. Les bouteilles sont vides, les paquets de cigarettes aussi, il n’y a plus de pochon, ce qui interroge la notion de manque. L’idée, c’est donc d’associer cet univers-là aux mots de Sartre, tout en renouvelant la lecture de cette pièce. À terme, on pourrait même envisager de jouer la pièce dans des boîtes de nuit.

Et quels sont vos projets personnels à plus long terme ?

Olivier Rey : J’ai envie de me mettre un peu au vert, sérieusement. De lire des livres, de réfléchir, de mûrir. De voyager pour aller à la rencontre d’autres lieux, d’autres modèles. C’est nécessaire pour concevoir de nouveaux projets. Et j’ai toujours l’envie, que je traîne depuis une décennie, de monter La Cage aux folles, et je compte bien y arriver d’ici un ou deux ans.

 

Huis clos, du 2 au 5 octobre à 20h au Lavoir public, 4 impasse de Flesselles-Lyon 1 / 09.50.85.76.13 / www.lelavoirpublic.fr

 

Photos © Denis Svartz

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