Marthe-Collectif-Le-Monde-Renverse © Dorothee Thiebert Filliger

Le Collectif Marthe s’empare de la figure de la sorcière

Le regain d’intérêt pour la figure de la sorcière comme figure féministe, notamment illustré par le succès de l’ouvrage de Mona Chollet, Sorcières : la puissance invaincue des femmes (cf. Hétéroclite #138) semble gagner d’autres formes d’expression et notamment le théâtre et le travail du Collectif Marthe. 

Le Collectif Marthe,  ce sont quatre comédiennes (Clara Bonnet, Marie-Ange Gagnaux, Aurélia Lüscher et Itto Mehdaoui) formées à l’École de la Comédie de Saint-Étienne et qui ont décidé de travailler ensemble autour de la thématique de la sorcière, à travers un spectacle qu’elles ont écrit, mis en scène et qu’elles interprètent elles-mêmes, Le Monde renversé. Cette pièce prend racine, non pas dans l’essai de Mona Chollet, mais dans celui de l’universitaire féministe Silvia Federici, Caliban et la Sorcière : Femmes, corps et accumulation primitive, publié en 2004.  

Dans cet ouvrage, Federici s’interroge sur les structures du capitalisme patriarcal en s’intéressant notamment au rôle des femmes lors de la période d’accumulation du capital, ce qui serait selon elle le point aveugle de la pensée de Marx. D’après Federici, la grande chasse aux sorcières qui touche l’Europe entre 1550 et 1630 ne serait pas le fruit d’un folklore médiéval mais bien une des pierres angulaires du développement du capitalisme qui nécessite la mise au pas et le contrôle du corps des femmes, véritables « matrices à travailleurs ». La figure de la sorcière est alors brandie comme un épouvantail par l’Église et l’État afin de justifier l’élimination de tous les éléments qui ne se soumettent pas à l’ordre nouveau qu’ils entendent installer. C’est l’instauration d’un système de réglementation de la sexualité des femmes, qui prend notamment la forme de la violence.  

Vers une réappropriation du corps
Si les quatre comédiennes du Collectif Marthe revendiquent la pensée de Silvia
Federici comme  genèse de leur travail, elles refusent cependant de faire de leur spectacle une conférence. La difficulté a donc été de digérer l’essai de Federici et de le transformer en matière théâtrale. Pour cela, les anciennes étudiantes de l’École de la Comédie n’ont pas hésité à créer des ponts avec l’actualité, et notamment avec la question des violences sexistes. Elles s’interrogent par exemple sur le mouvement d’auto-gynéco qui repose sur un partage de savoirs et de connaissances entre femmes, dans une volonté de réappropriation de leurs corps. Et s’inscrivent dans une histoire plus large du féminisme, qui remonte au mouvement WICCA des années 70 aux États-Unis en passant par des groupes de militantes féministes  italiennes qui avaient pour slogan : « Tremate, tremate, le streghe son tornate » (Tremblez, tremblez, les sorcières sont de retour). Et il n’est plus question d’en avoir honte. 

Le Monde renversé, du 9 au 11 avril à la Comédie de Saint-Étienne, place Jean Dasté-Saint-Étienne / 04.77.25.14.14  

www.lacomedie.fr 

Et du 15 au 24 mai au Théâtre du Point du Jour programmé par le Théâtre des Célestins, 7 rue des Aqueducs, Lyon / 04.72.77.40.00

www.theatredescelestins.com

 © Photographie : Dorothée Thiebert-Filliger

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