Devons-nous jeter la psychanalyse

Devons-nous jeter la psychanalyse ?

Après avoir abordé la question de la psychanalyse dans quelques chapitres de ses différents travaux, Didier Eribon en fait le sujet central de son nouvel ouvrage : Écrits sur la psychanalyse 

Dans ce livre, composé de plusieurs textes issus des conférences données à propos de la psychanalyse, Didier Eribon questionne l’apparente neutralité depuis laquelle certain·es psychanalystes prétendent parler, sous couvert de scientificité, lorsqu’ils ou elles argumentent dans les médias contre la reconnaissance sociale et juridique des couples de même sexe. 

Les travaux du sociologue mettent une nouvelle fois en lumière ce que la féministe étasunienne Eve Kosofsky Sedgwick appelait le « privilège épistémologique de l’hétérosexualité », privilège discursif confondant hétérosexualité et neutralité, poussant scientifiques et intellectuel·les à étudier comme déviants les comportements s’éloignant de leur norme.   

Ces textes constituent alors une mise en garde salutaire face à tout discours qui, sous couvert d’objectivité, de scientificité, ou de neutralité, reconduit simplement une norme sociale de domination. Mais si la méfiance est de rigueur, exige-t-elle pour autant de rejeter l’ensemble de la psychanalyse ?  

Des questions intéressantes, et des réponses peu satisfaisantes  
Pour Didier Eribon, oui. L’auteur reproche à cette pratique de réduire le sujet à son histoire familiale, et d’ainsi dépolitiser et déshistoriciser ses pensées, désirs, et comportements 

Contre une histoire dépolitisée du sujet, construite majoritairement au sein de la famille nucléaire, et comme hermétique à la société qui l’entoure, l’auteur veut mettre en avant l’importance des « verdicts sociaux » dans la constitution d’une individualité, à savoir le rôle fondamental que ne cessent de jouer les normes, injonctions, et barrières sociales.  

Cependant, le livre en lui-même laisse un sentiment d’insatisfaction. Si l’auteur ne cesse de répéter qu’il est nécessaire de rompre entièrement avec la psychanalyse, il ne s’attarde pas à expliquer aussi précisément que dans ses ouvrages précédents pourquoi. Balayant les tentatives de refonte de la discipline et ne prenant que peu en compte la diversité des pratiques que recouvre le terme général de psychanalyse, et la marge laissée à chaque praticien·ne, le livre donne l’impression de soulever des questions essentielles, mais de ne pas prendre la peine d’y répondre véritablement.  

Pour qui souhaite réfléchir aux rapports entre la psychanalyse et la norme (notamment en termes de genre et de sexualité), le livre La Psychanalyse excentrée de Sabine Prokhoris sera plus enrichissant, ou même l’ouvrage, plus ancien, de Didier Eribon, Une Morale du minoritaire, dans lequel l’étude des textes de Lacan offre un plus grand ancrage au propos.   

couverture Ecrits sur la psychanalyse Didier EribonÉcrits sur la psychanalyse de Didier Eribon (Éditions Fayard) En librairies.  

 

 

 

© Illustration : Anaëlle Larchevêque

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