MarineBaousson - 11.17 (c) LauraGilli-96

Marine Baousson reprend “La lesbienne invisible”

La comédienne et humoriste Marine Baousson reprend le rôle originellement incarné par Océan dans  La lesbienne invisible, après que celui-ci a entamé sa transition. Parce que le propos du spectacle reste toujours d’actualité. 

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Marine Baousson : Je suis Bretonne, née à Saint-Brieuc, en 1986, le 5 mars. Tout s’est bien passé, un beau bébé. Mon bac option théâtre en poche, je suis entrée au conservatoire de Rennes pour faire du grand théâtre et jouer de grands rôles. Mais en fait, ce que je voulais vraiment, c’est être humoriste, donc j’ai arrêté le conservatoire et je suis montée à Paris où j’ai intégré une école de café-théâtre, en parallèle de mes études à la fac. J’ai enchaîné des spectacles d’impro, j’ai commencé à travailler sur mon propre spectacle et j’ai mis des gens en scène comme Shirley Souagnon ou Olivia Moore.  

Quelles sont vos références en matière d’humour, où vous placez-vous dans le paysage humoristique français et international ?  
Je suis très fan de Florence Foresti et de Muriel Robin. Ce sont des génies. J’aime beaucoup Desproges aussi, c’est un vrai bonheur à écouter. Récemment, j’ai été bouleversée par Hannah Gadsby. Son spectacle Nanette m’a donné envie de modifier des choses dans mon propre spectacle. Dans un style un peu plus inoffensif mais assez militant finalement, j’adore Ellen Degeneres. Mais aussi des gens comme Yacine BelhousseKyan Khojandi ou encore le Québécois Adib Alkhalidey. Et Océan, bien sûr. C’est hyper intéressant de devenir aussi proche artistiquement de quelqu’un. 

“Océan a eu envie de reprendre son spectacle pour dire aux lesbiennes qu’il ne les abandonnait pas, que ce qu’il disait était toujours valable.”


Comment s’est faite votre rencontre avec Océan ? 
 
Je l’ai rencontré une première fois en 2009 lors d’un plateau d’humoristes en 2009. D’ailleurs, je lui en ai parlé récemment et il se souvenait que j’avais été très désagréable, sans doute à cause de l’émotion. Ensuite, j’ai vu La Lesbienne invisible en 2012 à Avignon et il est venu voir mon spectacle qu’il avait adoré. On est ensuite devenu·es plus proches par l’intermédiaire de Sophie-Marie Larrouy, une amie commune. Et lorsqu’il a commencé sa transition, il a eu envie de reprendre son spectacle pour dire aux lesbiennes qu’il ne les abandonnait pas, que ce qu’il disait était toujours valable. Mais il ne pouvait pas reprendre lui-même le rôle et il souhaitait séparer le personnage Océanerosemarie de lui-même. Il a pensé à moi parce qu’il trouvait que j’avais la même énergie de loose que le personnage. C’est un personnage joyeux, qui essaie des choses et qui galère et c’est vrai que ça me correspond plutôt bien.  

Avez-vous accepté immédiatement de reprendre La Lesbienne invisible  
Sur le coup, j’ai dit non, ça me paraissait fou de reprendre un one-woman-show. Ça faisait 5 ans que j’étais la première partie de Bérengère Krief et là j’allais être la meuf qui reprend Océanerosemarie … Et puis, reprendre La Lesbienne invisible, ça impliquait de faire un coming-out que je ne souhaitais pas faire. Il était fait dans ma vie, auprès de mes proches et de ma famille, mais je ne voulais pas le faire publiquement. Ça me faisait chier de devenir l’humoriste lesbienne. Puis j’ai revu le spectacle en DVD et je me suis dit que ça valait quand même la peine de rencontrer Océan pour en discuter. On a fait une lecture ensemble et c’était vraiment un beau moment. Je lui ai dit que j’allais réfléchir et le soir, je regardais les robes sur Internet pour le rôle. Donc, quand tu en es à choisir ta tenue sur La Redoute, c’est qu’a priori tu vas accepter le rôle. 

La Lesbienne Invisible Marine Baousson © Florie Berger
Vous avez eu besoin de modifications et d’aménagements pour vous approprier le spectacle ? 
 
J’avais vraiment peur de ne pas avoir de marge de manœuvre mais pour Océan, à partir du moment où j’avais son texte,  tout devait toujours partir de moi. Par exemple, à la fin il faisait un striptease et moi je ne voulais pas le faire,  je n’avais pas cette féminité folle qu’il avait et qu’il allait devoir m’apprendre. Je ne suis pas chanteuse et dans le spectacle, il chantait du Nina Simone. Océan, dont la voix était en train de muer, chantant Nina Simone pour moi, c’était un moment incroyable. Il y a aussi des blagues que je ne comprenais pas et la nécessité d’actualiser certains passages, 5 ans s’étaient écoulés depuis la dernière fois où il avait joué le spectacle. C’était très agréable d’avoir l’auteur en permanence avec moi pour s’approprier vraiment ce personnage qui dans la tête du public ne faisait qu’un avec Océan. D’ailleurs, la fin a été modifiée, mais le personnage n’entame pas de transition, il fallait mettre une distance.  

“J’espère surtout que le spectacle pourra apporter autant d’apaisement qu’il m’en a apporté. Lorsque je l’ai vu la première fois en 2012, ça ne faisait pas longtemps que j’avais réalisé que j’étais lesbienne et je ne le vivais pas forcément bien.”


Vous disiez que vous ne vouliez pas faire de 
coming-out professionnellement en tant que lesbienne, et finalement, vous l’avez fait.  
Oui c’est vrai. Pour Océan, il était inconcevable que le rôle soit repris par une comédienne hétéro, ça n’avait pas de sens. Il m’a dit : « On pourra dire que tu es bi », ce qui n’était pas totalement faux puisque j’avais eu des histoires avec des garçons. Mais il ne voulait pas que je mente si on me posait la question. Mais on ne m’a pas posé la question. Aujourd’hui, je me suis libérée de cette question-là même dans mon propre spectacle où je parle de mon ex qui s’appelle Marie. Mais il y a encore des gens dans le public qui ne l’entendent pas et ça fait un parallèle avec La Lesbienne invisible. Tu dis sur scène que tu es lesbienne et les gens te demandent encore si tu cherches un mec.  

Est-ce que vous vivez la reprise de ce spectacle comme un acte militant ? 
Oui, même si c’est un spectacle qui n’est pas frontalement militant. Il raconte l’histoire de cette femme qui met du rouge à lèvres et qui ne correspond pas aux clichés que les gens ont des lesbiennes. Mais lorsqu’une hétéro monte sur scène et raconte son histoire, personne ne pense que c’est un acte militant.  

MarineBaousson - lesbienne invisible (c) LauraGilli-95Compte –tenu de l’invisibilisation des lesbiennes dans la société, monter sur scène et le revendiquer, ça peut être considéré comme un acte militant, non ?  
Oui dans ce sens-là. Et la nouvelle fin aborde le sujet de la PMA pour toutes. Mais j’espère surtout que le spectacle pourra apporter autant d’apaisement qu’il m’en a apporté. Lorsque je l’ai vu la première fois en 2012, ça ne faisait pas longtemps que j’avais réalisé que j’étais lesbienne et je ne le vivais pas forcément bien. Et voir quelqu’un qui me parle de ça aussi simplement, ça m’avait fait du bien. J’ai demandé à Océan aussi de reprendre ce qu’il avait dit dans son coming-out trans, que ce n’est pas moins bien que d’être hétéro cisgenre. C’est très premier degré mais j’avais besoin de le dire. Ma mère a pleuré quand je lui ai dit que j’étais lesbienne, donc dans la tête des gens, ce n’est pas forcément une évidence que ce n’est pas moins bien.  

LA-LESBIENNE-INVISIBLEQuelles sont les réactions de la part du public ?
Les hétéros te disent qu’ils ont appris des choses, mais c’est vraiment de la part des lesbiennes que les retours sont les plus forts. À Nantes, une femme est venue me voir à la fin du spectacle pour me dire qu’elle avait ri mais surtout pleuré parce que c’est la première fois qu’elle voyait un spectacle qui parlait d’elle. À Avignon, quand j’ai tracté pour le spectacle dans la rue, je me suis retrouvé face à des femmes hétéros de 40 ans dans un rapport de séduction avec moi, elles me faisaient la bise, elles me prenaient par la taille, je ne m’attendais pas à ça. On m’a aussi dit : « Vous faites très bien la lesbienne » (rires). Je leur réponds que ça ne veut rien dire. 

Et ça vous a servi pour draguer ?  
Tout le monde m’a dit, tu verras, tu vas pouvoir pécho de ouf. Et bah, pas tant que ça en fait, je suis limite déçue.  

La Lesbienne invisible, le 11 octobre au Radiant-Bellevue, 1 rue Jean Moulin-Caluire / 04.72.10.22.19  
www.radiant-bellevue.fr 
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