michael nava

Avec “Les Défroques du cœur”, Michael Nava clôt les enquêtes de Henry Rios

Les Défroques du cœur, beau polar lyrique et tendre, clôt le cycle des enquêtes de l’avocat gay Henry Rios, double profondément attachant de son auteur, Michael Nava.

Les défroques du cœur Michael Nava

Peut-être est-ce cette amie lesbienne, fan de polar (un genre qui a longtemps entretenu des rapports complexes et ambigus avec l’homosexualité), qui résume le mieux la situation quand elle dit : «Michael Nava, c’est mon ami». De combien d’écrivains peut-on dire cela, a-t-on envie de dire cela, à la simple lecture de leurs livres ? Pas beaucoup à l’évidence. Et pourtant, c’est bien ce que l’on ressent au fil des sept volumes des aventures de l’avocat Henry Rios, dont le dernier, Les Défroques du cœur, vient enfin de sortir en France : Nava et Rios, son personnage, sont nos amis, ou en tout cas, on aimerait qu’ils le soient.

Parce qu’on admire leur éthique, leur désir de justice sociale, leur conscience du rôle politique de l’homosexualité, mais aussi leur fragilité, leurs blessures amoureuses qui les ont rendus plus forts, leur sens de l’amitié et de la justice, leurs erreurs de bonne foi, leur générosité. Bref, ce mélange d’imperfections, d’intégrité et de fidélité à eux-mêmes et à leurs idéaux que l’on rêve tous de partager.

On aura compris que cette saga n’est pas une série policière comme les autres et que les intrigues inventées par Nava n’ont pas pour but la découverte et la punition du coupable. Ce n’est pas pour rien qu’Henry Rios n’est pas flic ou privé mais avocat, comme Michael Nava, pénaliste le jour et écrivain la nuit. «Je me disais que le système légal pouvait aider à combattre les discriminations, qu’elles soient raciales ou sexuelles», a-t-il un jour expliqué au magazine gay Illico. Et c’est ce même but qu’il poursuit comme romancier, utilisant les crimes auxquels Rios est confronté pour donner à voir une certaine réalité de l’Amérique, celle des minorités (Rios, comme Nava, est à la fois gay et latino) et de l’intolérance contre lesquelles il faut toujours lutter.

Henry Gay Rios

En ce sens, les romans de Michael Nava sont éminemment militants. «Je souhaitais éviter le solipsisme de la plupart des auteurs gay américains, qui consiste à se concentrer sur les aspects personnels et sexuels, parce que je m’intéresse en vérité bien davantage aux dimensions politiques et sociales de l’homosexualité. Rios appartient à une minorité réprouvée, ce qui ne l’empêche pas de représenter toutes les vertus que la culture américaine prétend incarner : loyauté, probité, ténacité, identification à l’opprimé, sens de la justice – sans pour autant en faire étalage».

L’homosexualité d’Henry Rios est ainsi omniprésente dans chacun des épisodes, parce que c’est elle qui explique le caractère du personnage, ses choix, ses engagements, ses fêlures. Au fil des volumes, on le voit avec son amant, on voit celui-ci mourir du sida, on voit ses colères, ses renoncements, sa fuite dans l’alcool, on apprend son histoire familiale (père violent, mère faible, sœur lesbienne avec laquelle il a longtemps rompu les ponts avant qu’elle ne reprenne une place dans sa vie dans les derniers ouvrages) ; on le sent révolté, abattu, impatient, déterminé, on le voit défendre des tapins, des ados homos, des notables à peine sortis du placard… toute la palette d’une homosexualité mise au ban de la société.

Un ami précieux

La vie personnelle d’Henry Rios et sa vie professionnelle sont donc inextricablement mêlées, l’une expliquant l’autre, la justifiant, lui donnant son sens. En cela, Rios est bien le double de son auteur. Peut-être, comme son héros dans Les Défroques du cœur, celui-ci a-t-il retrouvé une sérénité et un équilibre amoureux qui expliqueraient sa décision, en 2001, de mettre un terme à ce cycle littéraire. Cela ne signifie pas qu’il a renoncé à son rêve de justice et d’égalité : revenu à son métier de juriste, il est désormais en charge des dossiers des condamnés à mort pour la Cour suprême de Californie, et a signé un essai sur les droits des gays aux États-Unis. Quand on vous disait que Michael Nava était un ami précieux…

 

Les sept volumes des aventures d’Henry Rios (La Mort à Frisco, Un garçon en or, L’Enfance du crime, La Loi cachée, Adieu aux amis chers, Sous une pluie de flammes, Les Défroques du cœur) sont parus aux éditions du Masque.

 

Photo : Michael Nava © DR

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