Février 2010

«La prostitution est un art, un humanisme et une science.»
Grisélidis Réal

La formule de Grisélidis Réal, péripatéticienne suisse activiste morte en 2005, sonne toujours comme une provocation. Et sans doute en partie pour de bonnes raisons. Car la prostitution s’exerce encore trop souvent dans des conditions sordides. Mais ce que voulait rappeler la militante helvète, c’est que le commerce de ses charmes peut procéder d’un choix et que l’infamie, ce sont le proxénétisme et l’exploitation des corps. L’enquête d’Hervé Latapie sur la prostitution masculine homosexuelle révèle que la domination et la violence ne sont pas consubstantielles à cette activité mais procèdent vraisemblablement de la misogynie. Grisélidis Réal appréhende la prostitution de façon sereine et pragmatique, sans lunettes morales. Elle considère qu’il s’agit d’un métier du lien, de la relation ; «péripatéticienne» vient d’ailleurs du grec ancien péripatétikos qui signifie : «qui aime se promener en discutant». Aujourd’hui, les associations de défense des prostitué(e)s revendiquent la reconnaissance d’un statut pour les travailleurs et les travailleuses du sexe. Statut qui permettrait sans doute de lutter plus efficacement contre la traite des femmes. La Loi de sécurité Intérieure (LSI), en pénalisant le racolage passif tout comme les différents arrêtés municipaux visant à éloigner les prostitué(e)s procèdent à l’évidence d’une appréciation morale de la situation. Gérard Oberlé décrit Marc-Antoine Muret, à travers les mémoires qu’il lui prête (chronique page 11), comme un lettré du XVIe siècle dont l’humanisme se nourrit autant des bacchanales pendant lesquelles se déchaîne son désir de corps mâles que de ses lectures de Virgile et de Catulle en latin. Il sera banni de paris pour sa frivolité, acclamé en Italie pour sa profondeur. Certains relèveront qu’il finit dans la piété ; mais la foi de muret, telle que l’imagine Oberlé, s’apparente davantage à de l’intégrité. Celle d’un homme qui, s’il s’est parfois enlisé dans les plaisirs de la volupté, n’a jamais rien fait d’autre qu’aimer les hommes. Et cela ne mérite pas repentance puisqu’il ne s’agit pas d’un pêché.

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