Sale temps pour les prostitué(e)s

Victimes de réseaux, artisanes émancipées, «escorts» occasionnels ; si les travailleu(r)ses du sexe connaissent des réalités différentes, ils et elles souffrent tous de l’absence totale de statut. À quoi s’ajoute, à Lyon, une politique d’éloignement qui les met en péril.

Et de cinq. Cinq arrêtés anti-prostitution en un peu plus de sept ans. Le dernier en date, signé le 18 décembre 2009, a pris de court les associations qui dénoncent un manque de concertation et accusent le maire, Gérard Collomb, d’avoir cédé aux pressions du préfet du Rhône, Jacques Gérault. Celui-ci se targue en effet de mener une politique volontariste en matière de lutte contre la prostitution et les réseaux de proxénétisme, et réclamait cette mesure au maire de Lyon depuis plusieurs mois, afin, selon lui, de remédier à l’exaspération des riverains. Mais pour l’association lyonnaise Cabiria, qui vient en aide aux prostitué(e)s, cette décision municipale relève d’une vision «hygiéniste» de la cité: «Collomb veut une ville propre, nette, sans rien qui choque ou qui dépasse», affirme ainsi sa directrice Florence Garcia. Et manifestement, les prostituées font tache dans ce beau décor dont rêvent les pouvoirs publics. Car c’est bien «la légitimité même de leur présence dans l’espace public qui est contestée. Certains riverains vont jusqu’à appeler les flics pour les avertir de la présence d’une prostituée près de chez eux, et les élus cautionnent cela, alors qu’heureusement ils ne cautionneraient pas la dénonciation d’homosexuels… ». De fait, le tapin reste une activité stigmatisée, ce qui rend les conditions de travail des «fleurs de macadam» beaucoup plus difficiles et risquées. Car si la société ne respecte pas la dignité humaine des prostituées, il y a de forts risques que leurs clients adoptent la même attitude, se montrent violents envers elles, les insultent, les arnaquent, les violent ou insistent pour avoir avec elles des rapports non-protégés. À Cabiria, on pointe par ailleurs les limites de cette politique d’arrêtés successifs, qui ne fait que déplacer les femmes (perçues en permanence comme un «problème» et un risque de trouble à l’ordre public) de quartier en quartier, sans soulager «la misère» dont on prétend se préoccuper.

Problèmes de voisinage

Il est vrai que de nombreux riverains se plaignent de la présence de ces voisines pas ordinaires, dont beaucoup aimeraient bien se débarrasser, et mettent en avant le bruit, le passage nocturne, les détritus abandonnés sur place, les préservatifs usagés retrouvés au petit matin… «Oui, mais lorsque les supporters de l’OL assistent à un match à Gerland, les nuisances occasionnées sont bien pires, et là personne ne s’en plaint ! Et puis, tous les riverains ne sont pas braqués contre les prostituées. Lors des rencontres entre prostituées, associations et riverains que nous avons organisées ces derniers mois [notamment celle qui s’est tenue le 25 novembre dernier au Centre social de Gerland, NdlR], certains d’entre eux se sont montrés très compréhensifs et ouverts au dialogue. Mais la Ville et la préfecture préfèrent mettre en avant les riverains les plus remontés contre les prostituées !». Le dialogue entre prostituées et riverains, entre tous les utilisateurs de l’espace public traités sur un pied d’égalité, voilà l’une des solutions avancées par les associations travaillant sur le terrain pour apaiser les tensions et faire valoir les intérêts de tous. mais ce ne peut être à leurs yeux qu’un début. Cabiria, par exemple, va plus loin, et si l’association ne milite pas pour la réouverture des maisons closes, qui permettraient d’imposer des clients ou des prestations aux femmes, elle demande en revanche l’abrogation de la Loi pour la sécurité Intérieure (LSI) de 2002 ainsi que des lois réprimant le proxénétisme, au motif que celles-ci «sont inefficaces pour lutter contre l’exploitation des femmes et criminalisent toutes les formes de solidarité envers les travailleuses du sexe».

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