don du sang

Les homosexuels toujours exclus du don du sang

L’interdiction du don du sang aux personnes gays est de plus en plus contestée, mais elle persiste en raison d’une prévalence du VIH plus élevée dans cette catégorie de la population.

Ils étaient une poignée à braver le froid glacial, place de la République à Lyon, le 18 janvier dernier. Une poignée de militants de l’association Pourquoi Sang Priver, avec à leur tête son président Cyril Chevreau, défiant les camions de l’Établissement Français du Sang (EFS) pour réclamer la levée de l’interdiction de don du sang faite aux homosexuels. Depuis 1983, tout homme ayant eu, même une seule fois et il y a très longtemps, un rapport sexuel avec un autre homme, se voit fiché à vie par l’EFS et interdit de don. Les lesbiennes ne sont théoriquement pas concernées par cette interdiction, mais, selon l’Enquête sur la lesbophobie publiée en 2008 par l’association SOS Homophobie, il est fréquent que leur sang soit également refusé par des médecins trop zélés.

Cette exclusion peut paraître à première vue surprenante, étant donné les pénuries de sang fréquentes dont se plaint l’EFS. Mais elle repose en réalité sur des statistiques qui montrent une prévalence du VIH beaucoup plus élevée parmi les homosexuels masculins que parmi les hétérosexuels : 758 cas pour 100 000 individus chez les gays contre… 6 pour 100 000 chez les hétéros, selon une étude réalisée en 2010 par l’Institut de veille sanitaire (InVS). C’est la principale explication avancée par l’EFS pour justifier sa position.

AIDES réservée sur la levée de l’interdiction

Mais cet argument ne convainc guère Geoffrey Léger, pour qui ces données ne sont pas fiables car collectées majoritairement dans les milieux de la prostitution et sur les lieux de drague. En 2009, ce jeune Lyonnais de 24 ans a porté plainte contre le ministère de la Santé au Tribunal administratif de Strasbourg. Bien qu’il soit défendu par Me Caroline Mécary, une avocate qui a déjà beaucoup œuvré contre les discriminations juridiques envers les personnes LGBT, il n’a toujours pas obtenu d’audience, deux ans après le dépôt de plainte. Quant à la Commission nationale Informatique et Libertés (CNIL), interrogée sur la légalité du fichage à vie des homosexuels par l’EFS, elle lui a répondu qu’elle n’y trouvait rien à redire…

Chez AIDES, au contraire, on est beaucoup plus réticents face à une éventuelle levée de l’interdiction du don du sang. La plus vieille (et principale) association française de lutte contre le sida reconnaît que l’exclusion des homosexuels est discriminatoire mais assure que ce ne sont pas les personnes qui sont en cause, seulement la qualité du «produit» sanguin. Là encore, le souvenir du scandale du sang contaminé hante tous les esprits.

«Populations à risques» ou «pratiques à risques» ?

Mais pour Dominique Baudis, Défenseur des Droits chargé des missions auparavant dévolues à feu la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité (HALDE), plutôt que d’exclure des «populations à risque» comme les homosexuels masculins (mais aussi les personnes ayant séjourné plus d’un an cumulé au Royaume-Uni entre 1980 et 1996, par exemple), mieux vaudrait parler de «pratiques à risques». Un hétérosexuel qui accumule les conquêtes féminines sans se protéger est ainsi davantage exposé au risque d’une contamination qu’un homosexuel qui utilise systématiquement le préservatif.

En cette année électorale, les responsables politiques entendront-ils les revendications des militants de Pourquoi Sang Priver, du collectif Homodonneur ou de SOS Homophobie, qui tous réclament la levée de cette interdiction ? Pour son livre paru l’an dernier (Homo Politicus : Politique et homosexualité de 1960 à nos jours), le fondateur et président d’Élus Locaux Contre le Sida, Jean-Luc Roméro, a demandé aux principaux partis politiques français de prendre position sur le sujet. La gauche et le MoDem l’ont assuré de leur volonté de mettre fin à cette exclusion du don du sang en cas d’alternance en 2012. Encore faut-il que les promesses soient suivies d’effets : en juillet 2006, déjà, le ministre de la Santé Xavier Bertrand reconnaissait que cette disposition ne lui semblait «pas satisfaisante» et promettait qu’elle allait «disparaître». Six ans plus tard, elle est toujours là.

 

Illustration © Vergine Keaton

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