Quand les jeux vidéos s’ouvrent à l’homosexualité

Il est loin le temps où l’homosexualité dans les jeux vidéos se résumait à placer deux Sims du même sexe sous une couverture. Depuis quelques années, des jeux ouvertement gay-friendly sortent régulièrement, sous la houlette de quelques éditeurs créatifs, BioWare en tête. 

Pas facile d’être gay dans le milieu ultra-viril des jeux vidéos, rempli d’aventurières lascives, conçu pour un public hétérosexuel et où «fag» reste l’insulte à la mode. C’est ainsi que la sortie du MMORPG (jeu de rôle en ligne massivement multijoueur) Star Wars The Old Republic en décembre 2011 a provoqué de nombreux débats outre-Atlantique. La cause ? Le jeu offre la possibilité pour ses personnages d’entretenir des relations homosexuelles. Colère chez les grands pontes du milieu conservateur américain, qui y voient du prosélytisme et une menace pour les enfants, mais aussi chez certains fans de Star Wars, qui ne supportent pas l’irruption de l’homosexualité dans leur univers préféré.

De l’ambiguïté sexuelle…

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L’existence des gays dans les jeux vidéos n’est pas nouvelle. Il y avait bien entendu les créations japonaises et leur tripotée de personnages androgynes à souhait, tenant plus de la curiosité comico-romantique que de la réelle homosexualité assumée. On connait l’imagination propre aux Nippons quand il s’agit de jouer avec les genres, les coupes de cheveux, les voix et les couleurs (l’exemple le plus connu de personnage fictif étant certainement Shun, homo refoulé des Chevaliers du Zodiaque).

Dans le domaine des jeux vidéos, Nintendo rafle certainement la palme de l’ambigüité sexuelle en mettant en scène la princesse Zelda, qui coupe ses cheveux, troque ses jupes contre une combinaison moulante et s’en va voltiger ici et là en se faisant passer pour un homme. Treize ans après l’apparition des drôles d’occupations de la princesse, Nintento brouille encore les codes dans son nouvel opus : le rôle du méchant endossé précédemment par le viril Ganondorf revient à Ghirahim, un travesti drogué tout droit sorti d’une soirée transformiste.

… à des personnages gays plus normés

Outre ces clins d’œil comiques, la possibilité de jouer un personnage homosexuel reste rarissime. L’éditeur BioWare propose depuis quelques années des jeux de rôle où le joueur peut être amené à vivre une romance gay en fonction de son cheminement. Dragon Age, dans le style heroic fantasy et Mass Effect dans le registre science-fiction futuriste. Deux univers très machistes, codifiés, omniprésents dans le jeu vidéo depuis sa création.

Avoir la possibilité de jouer un bon gros soldat barbare armé jusqu’aux dents et rouler des patins (voire plus) à ses compères est une révolution. Même pour un gay, cela peut faire l’effet d’une claque, tant l’heroic fantasy moyenâgeuse et les guerres spatiales semblent incompatibles avec l’existence même de l’homosexualité.

Homophobie d’une partie de la communauté des gamers

En incluant ces possibilités dans ses productions, BioWare s’est attiré les foudres d’une partie de son public, jugeant trop visible cette orientation sexuelle. La polémique qui plane sur Star Wars The Old Republic et son éditeur, Electronic Arts, achève de mettre en exergue les comportements homophobes d’une partie de la communauté des gamers. Pour répondre aux attaques de Tony Perking, président du Family Research Council (lobby conservateur chrétien), qui estime que «dans le nouveau jeu Star Wars, la pire menace pour l’empire pourrait être les activistes homosexuels», l’association LGBT All Out a lancé une pétition avec un Maitre Yoda plus engagé que jamais du coté de la lumière.

Le support du jeu vidéo peut permettre l’utopie d’une homosexualité parfaitement intégrée. Du moins, d’un point de vue technique, où ce ne serait qu’un simple facteur totalement indépendant des mécanismes du jeu à proprement parler. Dès lors qu’il s’agit d’un MMORPG, l’arrivée des joueurs aboutit à la création d’une communauté très variée, mais aussi miroir de la société réelle avec ce que cela comporte comme préjugés et discriminations (d’autant plus dans une communauté de jeunes joueurs en recherche de personnalité, où le perdant sera systématiquement qualifié de «tapette»).

Il est difficile de faire apparaitre comme «normale» une orientation sexuelle longtemps ignorée, quand elle n’était pas limitée à la caricature androgyne, aux rôles de personnages secondaires et aux manières exacerbées. Aujourd’hui, le joueur gay peut être un personnage principal, dispose des mêmes pouvoirs que les autres, des mêmes possibilités. C’est cela qui est certainement le plus difficile à accepter pour les gamers. Que si chaque personnage peut développer un penchant homosexuel, c’est qu’au fond, les gays sont des personnes comme les autres.

 

Image de Une extraite du jeu Dragon Age éditée par BioWare

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