Rosa von Praunheim, l’Allemand majeur

En rendant hommage à Rosa von Praunheim à travers sept de ses récents courts-métrages, Écrans Mixtes met en avant une des figures les plus singulières du cinéma gay mondial, mais aussi l’une des plus méconnues. Du moins de ce côté-ci du Rhin…

Rosa, comme la couleur du triangle attribué aux déportés homosexuels par les nazis. Comment mieux dire ce qui est au centre de la vie de Rosa von Praunheim – l’engagement pour les droits des gays – que ce prénom pseudonyme dont il va faire un emblème ? Cinéaste, militant, provocateur, il est à coup sûr depuis quarante ans l’une des figures les plus connues, les plus importantes et les moins consensuelles de l’activisme et de la création gay en Allemagne. Et si sa notoriété n’a guère rejailli de notre côté du Rhin, c’est parce que la plupart de ses films sont restés inédits chez nous et que ses tapageuses irruptions médiatiques au fil des années (que ce soit dans le cadre de la lutte contre le sida, ou en outant publiquement diverses personnalités) n’ont guère fait de vagues ici.

Réveiller la société allemande

Rosa von PraunheimPour se faire une idée de qui est Rosa von Praunheim, il faut effectuer un rapide rétropédalage jusqu’à la fin des années 1960. Alors que le cinéma allemand est en pleine renaissance (notamment grâce à des films et des cinéastes en lien avec l’homosexualité comme Fassbinder, Peter Fleischmann ou Werner Schroeter), que la société allemande commence à s’affranchir de la persécution des gays en rendant quasi-caduque le Paragraph 175 (l’article du Code pénal allemand qui, de 1871 à 1994, pénalisait l’homosexualité masculine) et que le mouvement militant homo émerge dans les principales villes du pays, le tout jeune Rosa von Praunheim va synthétiser ces divers mouvements.

En 1970, après quelques courts-métrages et travaux avec son amant du moment, Werner Schroeter, il signe un film manifeste qui va secouer le milieu homo et, par contrecoup, la société allemande tout entière : Ce n’est pas l’homosexuel qui est pervers mais la situation dans laquelle il vit ! Le titre seul de ce curieux objet dit son ambition, sa radicalité, la manière de ne pas prendre de gants qui sera toujours celle de Praunheim pour dénoncer aussi bien le sort fait aux homosexuels que le conformisme petit-bourgeois de ceux-ci. Pour enfoncer le clou, il décide d’accompagner son film de ville en ville, menant à travers le pays des dizaines de débats dans la foulée desquels des groupes militants naissent un peu partout. Combien de films au fil de l’histoire ont eu ce rôle?

Secouer les homosexuels

Devenu le porte-drapeau d’une communauté qu’il ne craint jamais de prendre à rebrousse-poil, Rosa von Praunheim ne va jamais abdiquer cette double responsabilité. Le documentaire Armée d’amants ou la Révolte des pervers (1978) comme la comédie Un virus n’a pas de morale (1985) lui permettent ainsi de tenter de faire réagir les gays allemands face à leur propre conservatisme puis face au sida, de la même manière que ses interventions médiatiques au début des années 90 – où il dénonce l’homosexualité de personnalités homophobes – appellent chacun à ses responsabilités. Auteur par ailleurs, pour Arte, de films sur l’histoire de l’homosexualité (Gay et pas froid aux yeux, 1997 ; L’Einstein du sexe, 2000), Rosa von Praunheim — dont les principaux films n’ont quasiment jamais été montrés en France — est aussi un artiste brillant et un grand témoin de son temps, comme le prouvent les courts-métrages présentés par Écrans Mixtes.

 

Séance spéciale Rosa von Praunheim, jeudi 7 mars 2013 à 20h30 au Goethe Institut, 18 rue François Dauphin-Lyon 2 / Tarif unique : 2€ / www.festival-em.org

 

Photo de Une © Master Patrick

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