Le Roi Carotte, un opéra à ne pas râper


Pour les fêtes de fin d’année, l’Opéra de Lyon présente Le Roi Carotte de Jacques Offenbach, une œuvre qui n’a plus été jouée depuis 1877 et dont aucun enregistrement sonore n’a jamais été réalisé. Rencontre avec l’artisan de cette résurrection, le metteur en scène Laurent Pelly.


 

Laurent-Pelly heteroclite le roi carotte credit Polo Garat odessa

Comment vous est venue l’envie de recréer Le Roi Carotte ?
J’ai beaucoup travaillé le répertoire d’Offenbach. La première fois, c’était ici, à l’Opéra de Lyon, pour Orphée aux Enfers (1997). Depuis, j’ai mis en scène ses grands chefs-d’œuvre comme La Belle Hélène (2000), Les Contes d’Hoffmann (2003), La Vie parisienne (2007)… Je me suis donc intéressé à sa vie, à ce qu’il avait écrit et notamment au Roi Carotte, dont le titre m’intriguait. Je me suis penché dessus et je me suis rendu compte que cela n’avait pas été joué depuis cent-quarante ans. J’en ai parlé à Serge Dorny, le directeur de l’Opéra de Lyon, et il a été d’accord pour se lancer dans cette aventure.

 

Comment expliquez-vous que Le Roi Carotte ait disparu des scènes alors qu’il a rencontré un immense succès lors de sa création ?
C’est une œuvre démesurée, qu’on ne peut plus montrer aujourd’hui telle qu’elle était à l’origine, c’est-à-dire avec ses six heures, ses douze décors, ses cent-vingt personnes, son nombre incroyable de costumes… Lors de sa création, c’était une espèce de revue, avec des chanteurs-acteurs, beaucoup de texte parlé, du show, de la magie. C’est une forme qui ne correspond plus à grand-chose aujourd’hui. Je me demande comment ils faisaient, dans les années 1870, pour jouer un truc aussi compliqué et délirant sans la technologie d’aujourd’hui.

 

Avez-vous modernisé Le Roi Carotte comme l’aviez fait pour La Vie parisienne ?
Non, La Vie parisienne est la seule production qu’il me semblait intéressant d’actualiser. Le Roi Carotte est un conte de fées politique auquel il n’y a pas besoin d’intégrer des allusions contemporaines. Il y a eu, malgré tout, un gros travail d’adaptation et de dépoussiérage. Agathe Mélinand a réécrit le texte parlé de la version allégée (en trois actes) et nous avons conservé presque toute la musique : tous les airs sont respectés.

 

Est-ce que la satire politique qui était voulue par Offenbach et Victorien Sardou (l’auteur du livret) transparaît dans votre mise en scène ?
Sardou et Offenbach ont commencé à travailler sur le Roi Carotte peu avant la guerre de 1870 et l’ont achevé après une interruption et la chute de Napoléon III. Dans ce contexte politique, le Roi Carotte est donc une sorte de tyran, de despote quelconque. Cela ne nous intéressait pas de le personnaliser. Une sorcière qui fait sortir de terre une carotte pour qu’elle prenne le pouvoir, c’est poétique. À partir de cette idée, tout devient possible.

 

Comment aborde-t-on une œuvre si longtemps oubliée lorsqu’on est metteur en scène ?
C’est toujours intéressant de redonner vie à une telle œuvre et de la rendre accessible. Le Roi Carotte, c’est vraiment du Offenbach pur jus : il y a dans cette musique une grande efficacité dramaturgique, de l’inventivité, de la fantaisie et de la drôlerie. Il y a aussi une importante matière poétique et burlesque qui nous a conduits à chercher des références dans l’univers des Monty Python et des Marx Brothers pour approcher quelque chose d’absurde, d’insolite, de surréaliste. Mais monter un tel projet fait un peu peur. On ne sait pas quelle forme cela va prendre, tellement l’histoire est tirée par les cheveux.

 

Y aura-t-il une captation de l’opéra ?
Oui, une diffusion télévisée est prévue. Je ne sais pas si elle sera éditée en DVD mais, dans tous les cas, il restera une trace de cette histoire délirante. J’espère qu’ainsi, cet opéra ne retombera pas dans l’oubli car franchement, c’est une œuvre vraiment marrante et péchue.

 

Focus Offenbach
Le Roi Carotte, du 12 décembre au 1er janvier à l’Opéra de Lyon, place de la Comédie-Lyon 1 / 04.69.85.54.54 / www.opera-lyon.com
Mesdames de la Halle, du 11 au 28 décembre au Théâtre de la Croix-Rousse, place Joannès Ambre-Lyon 4 / 04.72.07.49.49 / www.croix-rousse.com

 

Photos Laurent Pelly © Polo Garat / Odessa

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