Une “correspondance indiscrète” entre Arthur Dreyfus et Dominique Fernandez

Une conversation entre un jeune et un vieux pédé ? C’est à quoi on se gardera bien de réduire cette Correspondance indiscrète, un échange épistolaire entre deux écrivains gays que presque soixante ans séparent, Arthur Dreyfus et Dominique Fernandez.

correspondance indiscrète dominique fernandez arthur dreyfus editions grassetC’est à l’occasion d’un colloque sur le thème «art, sexe et littérature» que se sont rencontrés Dominique Fernandez (académicien, auteur de nombreux romans et essais, dont Amants d’Apollon chroniqué dans ces colonnes) et Arthur Dreyfus (écrivain, qui a notamment publié il y a deux ans Histoire de ma sexualité). Ne pouvant clore le débat qui les oppose («est-il nécessaire de tout dire et tout montrer en matière de sexualité ?»), ils ont décidé de le poursuivre par correspondance.

Invoquant le cinéma, la peinture et de grands auteurs comme Genet, Foucault, Gide, Bataille et bien d’autres, chacun argumente, s’oppose ou se laisse convaincre. Faut-il appeler une bite une bite ? Le langage cru de Bataille est-il préférable à la poésie suggestive de Dante ?

La réponse n’est pas évidente. Mais au fil des pages, les auteurs se confient et la question première se déplace. L’un évoque son éveil érotique «honteux», devant les sculptures nues des dieux grecs ; l’autre décrit l’abondance d’images pornographiques fournie par Internet. Un adolescent peut-il penser de la même manière selon qu’il grandisse dans le puritanisme de l’après-guerre, où l’homosexualité se cache dans les pissotières, ou avec Grindr sur son téléphone ?

Cet autre versant de leur correspondance est tout aussi passionnant que son sujet initial et permet, là aussi, d’évoquer sexe et homosexualité par de multiples prismes : l’histoire, la politique, la sociologie, la prostitution, les conceptions sur le corps, l’amour, le désir, la violence ou l’homophobie – de celle, médicale, du XIXème siècle à celle de La Manif Pour Tous.

«Quel bonheur de vivre aujourd’hui !» : c’est par ces mots que Dominique Fernandez ouvre la correspondance et nous lui donnons raison. Mais un des mérites de ce livre est de nous rappeler que le chemin parcouru fut long et que les forces réactionnaires sont toujours vives, voire criminelles, en France et ailleurs dans le monde.

 

Correspondance indiscrète de Dominique Fernandez et Arthur Dreyfus (éditions Grasset) – Sortie le 17 février

 

Photo Arthur Dreyfus © Catherine Hélié / Gallimard
Photo Dominique Fernandez © Jean-François Paga / Grasset

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