Achterland Anne Teresa De Keersmaeker credit Herman Sorgeloos

Anne Teresa De Keersmaeker, chorégraphe plus sensible qu’il n’y paraît

À l’occasion des reprises d’Achterland et de Rain sur les scènes de la région ce printemps, il est temps de revenir sur le parcours d’une chorégraphe au cœur du renouveau de la danse contemporaine : Anne Teresa De Keersmaeker.

Les années 1980 marquent assurément un tournant dans l’histoire de la danse contemporaine. En France, la période est marquée par l’émergence de nouvelles et nouveaux chorégraphes comme Maguy Marin, Philippe Decouflé, Dominique Bagouet ou encore Jean-Claude Gallotta, dont les travaux ont été regroupés sous l’appellation de Nouvelle Danse Française. Ce renouveau de la création chorégraphique ne s’arrête cependant pas aux frontières de l’Hexagone. En Belgique, c’est également le moment où éclot le travail d’une jeune chorégraphe alors âgée de seulement vingt ans, Anne Teresa De Keersmaeker.

Formée à l’École Mudra, fondée par Maurice Béjart, elle y développe ses connaissances en analyse musicale, qui se révèleront essentielles dans son approche de la danse. Elle bénéficie également durant ses années de formation d’une bourse qui lui permet de partir étudier à la Tisch School of the Arts de New York, où elle se familiarise avec la danse postmoderne américaine, dont Trisha Brown et Merce Cunningham sont les fers de lance. Elle découvre également la musique minimaliste de Steve Reich par le truchement de Thierry De Mey, compositeur et cinéaste belge avec lequel elle nouera une longue relation de travail.

Danse et musique entremêlées

Or, c’est bien ce lien entre musique et danse qui est fondateur dans le travail de De Keersmaeker et que l’on retrouve au cœur de sa première pièce emblématique, Fase, créée en 1982 à partir de trois compositions de Reich. Aux gestes du quotidien qui ont alors envahi la scène chorégraphique, Anne Teresa De Keersmaeker ajoute une dimension géométrique forte, multipliant les cercles et les diagonales. La régularité et la géométrie des mouvements répondent ainsi à la construction mathématique de la musique. Bien que cette rigueur lui vaille parfois une image d’austérité, le travail de De Keersmaeker se révèle pourtant profondément sensible et poétique. La répétition des mouvements et l’aspect parfois lancinant des compositions reflètent en effet avec force l’aliénation de nos sociétés contemporaines et la complexité des rapports interhumains.

Ainsi, dans Rain, pièce créée en 2001 à nouveau sur une musique de Steve Reich, les mouvements cycliques des dix interprètes se font l’écho de la pluie du titre, faisant naître une communion entre les êtres humains et les éléments naturels. Dans Achterland, pièce créée en 1990, De Keersmaeker part à la recherche d’un arrière-pays où les identités se brouillent, où masculin et féminin s’estompent, au son du violon et du piano présents sur scène. Ces deux pièces, jouées respectivement à Lyon et Grenoble ce printemps, sont l’occasion rêvée de découvrir toute l’étendue du travail d’une chorégraphe majeure.

 

Rain, les 20 et 21 mars à la Maison de la Danse, 8 avenue Jean Mermoz-Lyon 8 / 04.72.78.18.00 / www.maisondeladanse.com

Achterland, les 4 et 5 avril à la MC2:Grenoble, 4 rue Paul Claudel-Grenoble / 04.76.00.79.79 / www.mc2grenoble.fr

 

Photo : Achterland © Herman Sorgeloos

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