Classes X-Fev19

Classés X – Épisode 5

[Ou comment faire des rencontres quand on est agent spécial…]

Retrouvez tous les mois un épisode de Classés Xnotre feuilleton de SF queer, créé par Élise Bonnard et illustré par Cyril Vieira Da Silva.

Le ciel est bas. Blanc. En couvercle au dessus de la tête. Il appuie sur le crâne, fait pression sur les globes oculaires. Pourtant, je n’ai bu que du sirop d’orgeat hier. Fox remonte son col (décidément trop court) et croque une graine de tournesol bruyamment. Let’s go, lance sa partenaire, je te préviens c’est de l’art contemporain. 

 Les deux agents s’avancent en lisière de forêt, se glissent sous les rubans de plastique jaune qui forment un triangle entre les arbres. Leurs semelles s’enfoncent légèrement dans le tapis de lichen et d’aiguilles de pin. Fox allume son enregistreur. 

 « – Tôt. 6h58. Trop tôt pour ces conneries. Température : 2°C. Taux d’humidité… assez pour me friser le cheveu. Forêt d’Avaise. Bord de départementale. Sous-bois. Soleil d’hiver. Ça sent le champignon… et le goudron. Première odeur qui donne faim. (Xana soupire) T’as pas envie d’une omelette forestière ? Deuxième odeur reconnaissable. Identifiée. Classée. Affaire n°57. Origine de l’odeur : un conifère, une moto, un corps. Trois éléments. Sacrée merde, comment je vais décrire ça ? Trois éléments qui n’en font qu’un. Moto… violette de type néo-rétro (une Ducati, précise Xana). Enfoncée dans arbre. Corps nu de type heu… humain. Enfoncé dans moto. Pas enfoncé. Incrusté. Enchevêtré. Trois éléments enchevêtrés. Aucune trace de sang. Roue avant de moto qui disparaît presque entièrement dans tronc. Mousse verte qui recouvre carlingue, moteur, métal qui recouvre chevilles, cuisses, fesses du conducteur (conductrice ? suggère Xana). Corps couché sur engin, mains crispées sur poignées, mais tête rejetée en arrière, cheveux roux, probablement teints, magnifique chevelure, aucune trace de moisissure, yeux au ciel, pupilles dilatées, bouche ouverte… Sacrée merde, bouche très ouverte. Gorge profonde. Fleurs. Fleurs… Prends le relais Xana, je ne peux pas. 

– Psoralea bituminosa dans l’œsophage, visibles jusqu’au niveau de la glotte. Métamorphose du corps. Stade avancé. Dans ce cas-ci, l’humain est difficilement identifiable. 

– Est-il vraiment humain ? 

– La position du corps écarte a priori la thèse de l’homicide. 

– Comment ça ? 

– Regarde le triceps sural. 

– Le quoi ? 

– Le muscle du mollet. Bandé. Tendu. Dans l’effort, le désir. La personne visait sciemment l’arbre. Elle s’est volontairement… Foutue dans le décor. 

– C’est le moins qu’on puisse dire. » 

 Pendant que Xana prélève cheveux et mousse dans une pipette transparente, Fox se penche vers le mollet aux muscles apparents. En devinant les veines bleutées sous la peau blanche, il a un frisson. Dans ce frisson, trois intuitions : 1° Les humains ont le goût du risque dans le sang  / 2° Toute fleur provient d’une graine / 3° Le muscle, c’est la vie. Il songe alors à sa target du moment : un danseur qui lui a envoyé quelques photos de grands écarts et d’abdos bien découpés. D’un geste expert, l’agent pianote sur son portable à peine sorti de sa poche : je veux te voir en chair et en os. Ce soir, 20h. Au deuxième étage du musée d’histoire naturelle. Prends ton masque et tes gants. Il hésite. Puis il ajoute : bonne journée ma girolle. 

[À suivre…] 

 

 

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