Edito 160 Ukraine

Édito #160 : En gueule de bois

La promesse du printemps a l’acidité d’une mauvaise gueule de bois. À l’heure où l’espoir de voir levées les dernières restrictions sanitaires se fait plus concret, alors que les concerts debout viennent de reprendre et que les clubs rouvrent enfin leur porte, la Russie lance une offensive militaire unilatérale sur l’Ukraine. 

Cela n’empêchera pas la jeunesse française de prendre d’assaut le dancefloor, me direz-vous. Certes. Mais cela laisse quand même un goût amer et la langue pâteuse, au moment où l’on pensait naïvement que l’horizon allait enfin se dégager après de longs mois mornes et covidés. Loin de nous l’idée de livrer ici une analyse en relations internationales sur les motivations profondes de la Russie et les conséquences – que l’on imagine désastreuses – pour l’Ukraine. Ce n’est pas notre champ d’expertise et nous ne jouerons pas aux apprentis prophètes. 

Néanmoins, ce bruit des bombes qui retentit à nouveau en Europe illustre assez bien ce vieux système phallocrate qui refuse de mourir et dont Vladimir Poutine est sans doute aujourd’hui l’incarnation ultime. La défense de valeurs guerrières et nationalistes éculées, la glorification de la force et de la toute puissance du chef transpirent une vision étroite et conservatrice de la notion de virilité. En cela, les candidat·es de l’extrème droite française à l’élection présidentielle ne s’y sont pas trompé·es, chantant sans cesse les louanges de Poutine. Les voilà empêtré·es à présent dans la défense de leurs positions face à l’avancée des chars russes. 

En 2015, le festival Mode d’emploi recevait la journaliste lesbienne russe Masha Gessen, qui avait fui son pays pour New York suite à la promulgation de lois lgbtphobes en Russie en 2013. Dans une interview qu’elle nous avait accordée, alors que l’Ukraine se trouvait déjà prise en tenailles entre la Russie et l’Europe, elle nous confiait qu’il existait selon elle un lien entre la crise ukrainienne d’alors et les questions LGBT+, l’avancée de ces dernières servant de marqueurs d’influence entre Russes et Européens dans ce qu’elle nommait une guerre culturelle.

Aujourd’hui, malheureusement, la guerre est totale et c’est évidemment toute la population ukrainienne sans distinction qui s’apprête à souffrir durement. Mais on ne peut cependant s’empêcher de penser aux Ukrainien·nes LGBT+ qui ne doivent avoir que trop conscience de ce qu’elles et ils ont à perdre dans ce conflit armé, si le pays devait passer sous la coupe de Poutine et de son arsenal de lois hétéronormatives.

Une 160 Ukraine

 

Une © Nadia Khallouki

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