À deux semaines du 1er tour

Présidentielles et thématiques LGBT+ : Qui propose quoi ?

Comme bien d’autres sujets, les thématiques LGBT+ peinent à trouver leur place dans les débats de la présidentielle 2022 – peut-être plus encore que lors des campagnes précédentes. À quelques jours du 1er tour, décryptage des propositions des principaux·ales candidat·es.

Par Romain Vallet et Athina Gendry.

Ouverture de la PMA aux couples lesbiens, femmes célibataires et personnes trans

Avec l’interdiction en janvier dernier des thérapies de conversion, c’est la principale avancée LGBT de la présidence Macron : depuis la loi bioéthique de 2021, les couples lesbiens et les femmes célibataires peuvent avoir recours à la Procréation Médicalement Assistée (PMA), remboursée sous les mêmes conditions que les couples hétéros. Ce qui ne résout pas le problème de la pénurie de gamètes, en l’absence de campagne de communication des autorités de santé à ce sujet. Surtout, la loi laisse de côté les personnes trans, qui ne peuvent toujours pas recourir à la PMA légalement : en 2019, le gouvernement Macron s’était opposé à des amendements leur ouvrant ce droit. Pour les femmes trans, la conservation des gamètes avant leur transition médicale en vue d’un éventuel projet de PMA reste également très compliquée.

À gauche, Mélenchon, Jadot, Poutou et Roussel promettent d’ouvrir la PMA aux personnes trans. Jadot ajoute être favorable à la méthode ROPA ou “double maternité” (une personne fournit l’ovule, l’autre mène la grossesse) ainsi qu’au don de spermatozoïdes amical. Poutou se montre plus ouvert encore sur la diversité des méthodes : appariement des gamètes sur décision du couple (recourir aux spermatozoïdes d’un donneur aux caractéristiques physiques proches du couple), mise en place du don dirigé (donneur identifié et choisi) et ouverture à tous·tes de la conservation des ovocytes. 

Hidalgo, fervente défenseuse de la PMA, reste toutefois silencieuse sur son ouverture aux personnes trans. Arthaud ne se prononce pas non plus, affirmant à Hétéroclite être simplement “pour la parentalité pour les couples de même sexe”.

À droite, après s’être fermement opposée à l’ouverture de la PMA (comme au mariage pour tous en son temps), Pécresse promet aujourd’hui qu’elle ne reviendra pas dessus. Elle exige cependant que l’enfant né·e par PMA connaisse l’identité du donneur de gamètes -pour rappel, la loi de 2021 prévoit déjà ce droit d’accès aux origines, à la majorité de l’enfant. Le Pen, elle, propose un moratoire de trois ans sur les “sujets sociétaux” et ne souhaite donc pas revenir sur l’ouverture de la PMA. Du moins dans l’immédiat. En outre, durant ces trois ans, ces questions pourraient être abordées dans le cadre d’un Référendum d’initiative citoyenne (RIC) qu’elle souhaite mettre en place. Zemmour, lui, entend bloquer la PMA sans père.

Gestation pour autrui (GPA)

Droite et gauche confondues, la GPA fait la quasi-unanimité des candidat·es contre elle : Pécresse, Zemmour, Mélenchon, Arthaud et Hidalgo se sont prononcés contre. Le gouvernement est sur la même ligne. Le Pen propose même de renforcer son interdiction.

Jadot promettait en 2021 d’ouvrir le débat sur les contours d’une GPA “éthique”, sans rémunération de la mère porteuse. Un engagement qui a disparu de son programme. De la même manière, Poutou s’oppose à la “GPA marchande” en tant qu’elle repose selon lui “sur la précarité des femmes et classes prolétaires et des pays du Sud global” mais dit laisser le débat ouvert sur la possibilité d’une GPA “véritablement altruiste”, similaire au modèle du don d’organes entre proches. Un principe de GPA-non marchande sur lequel Roussel affirme lui aussi rester ouvert.

Se pose par ailleurs la question des enfants français nés à la suite d’une GPA à l’étranger. Actuellement, la reconnaissance de la filiation est limitée au seul parent biologique, obligeant l’autre parent -dit d’intention- à passer par une procédure d’adoption. Sur ce point, Mélenchon, Jadot, Roussel et Pécresse affirment prioriser “l’intérêt de l’enfant”, entendant donc maintenir cette reconnaissance filiale. Mais ils restent vagues sur les contours que pourrait prendre cette dernière : seul Jadot propose une reconnaissance automatique pour les deux parents. Le Pen, elle, refuse intégralement une quelconque filiation.

Droit des personnes transgenres

Pour les personnes trans, la dernière grande évolution législative remonte à la loi de “modernisation de la Justice du XXIe siècle”, en 2016, qui visait à simplifier leur changement d’état civil, mais ne faisait pas l’unanimité chez les associations.

Aujourd’hui, Mélenchon, Roussel, Poutou et Jadot veulent faciliter les parcours de transition, en permettant un parcours de soin et un changement de l’état civil sur simple demande et de manière gratuite. Hidalgo affirme plus globalement vouloir “reconnaître et accompagner tous ces parcours de transition”, sur un plan financier, médical et psychologique. Mélenchon souhaite que le remboursement des soins de transition ne soit pas conditionné par une procédure de reconnaissance d’affection de longue durée (ALD), et entend inscrire la “liberté du genre” dans la Constitution d’une VIe République. 

Arthaud est favorable au changement d’état civil mais ne détaille pas les moyens à mettre en oeuvre pour le faciliter. Le Pen et Macron ne se prononcent pas. Pécresse demande “qu’on interdise les opérations avec changement de sexe pour les mineurs qui ont des conséquences irréversibles”et qui ne sont pas pratiquées. Zemmour y est totalement défavorable.

Mutilations sur les personnes intersexes

Par trois fois au cours de la législature, des tentatives d’interdire les mutilations génitales non-consenties sur des personnes intersexes, via des amendements (à la loi bioéthique en 2020, à la loi séparatisme et à la loi interdisant les thérapies de conversion en 2021) ont été rejetées par les député·es ou les sénateur·rices, avec l’appui de la majorité LREM et/ou du gouvernement. 

PoutouJadot, Roussel et Mélenchon promettent de mettre fin aux mutilations, traitements hormonaux et stérilisations non consenties sur les personnes intersexes. Roussel souhaite également leur fournir un accès libre à l’intégralité de leur dossier médical. Mélenchon ajoute vouloir supprimer la notion pathologisante du “trouble du développement sexuel”, et former le personnel médical, juridique, scolaire et social aux vécus et discriminations subis par les personnes intersexes.

La question est absente des programmes d’Hidalgo, Le Pen, Arthaud, Zemmour et Pécresse.

Pénalisation des clients des travailleur·euses du sexe (TDS)

La loi de 2016, visant à “renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées”, loi répressive qui pénalise les clients, est fortement contestée en ce qu’elle précarise et met en danger les travailleur·euses du sexe.

À gauche, Poutou est le seul à s’être prononcé contre, dénonçant « l’hypocrisie de la pénalisation du client, qui ne fait pas disparaître la prostitution mais rend simplement plus difficile les conditions dans lesquelles elle s’exerce ». Jadot considère qu’il faut protéger les personnes “qui ont choisi cette situation, en levant toutes les dispositions qui pénalisent les clients et les prostitué·es”. Il considère toutefois que la majorité du travail du sexe s’inscrit dans du trafic humain. Roussel estime la loi de 2016 insuffisante, et souhaite davantage soutenir les personnes TDS et les associations, dans une démarche abolitionniste.

Hidalgo, Arthaud et Mélenchon sont sur une ligne opposée, s’affirmant jusqu’ici clairement abolitionnistes.

À droite, Pécresse a récemment rappelé qu’elle avait voté la loi de 2016, considérant que “la prostitution, c’est acheter le corps d’une femme”. En 2013, Marine Le Pen s’était prononcée contre la pénalisation des clients et Zemmour avait signé le “manifeste des 343 salauds” contre cette mesure.

Lutte contre les LGBTIphobies à l’école

Publiée le 30 septembre 2021, une circulaire du ministère de l’Éducation nationale, intitulée Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire, mécontente les associations LGBTI, qui jugent qu’elle ne protège pas suffisamment les élèves transgenres. Selon Mediapart, c’est à la demande de Jean-Michel Blanquer qu’une première version de ce texte, plus ambitieuse, aurait été édulcorée.

À gauche, Roussel s’engage à mettre en place des actions de prévention et d’éducation pour lutter contre les LGBTIphobies en partenariat avec des associations, en augmentant notamment le budget alloué à ces dernières. Mélenchon veut, lui aussi, “renforcer l’éducation à l’égalité, contre le sexisme et les discriminations racistes et LGBTIphobes dans les programmes scolaires”, tout comme Poutou, Arthaud et Pécresse. Jadot et Hidalgo proposent, plus encore, des plans nationaux de lutte contre les discriminations.

Autre son de cloche à l’extrême-droite : Zemmour réclame la fin de ce qu’il appelle une “propagande” à l’école – à savoir toute forme de sensibilisation et de lutte contre les discriminations – et dénonce le “lobby LGBT” des associations. Le Pen n’est pas en reste : selon elle, “il ne faut faire la promotion d’aucune sexualité auprès des mineurs”. 

© Illustrations Marie Hache @Mariehachecinema

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