
La République de Weimar, une parenthèse enchantée ?
L’éphémère République de Weimar, née en Allemagne au lendemain de la Première Guerre mondiale fait souvent figure d’éden de liberté pour les homosexuel·les des deux genres. La répression n’y avait pourtant pas disparu.
Ah, Berlin ! Ses cabarets, ses bars interlopes, ses bals travestis, ses fêtes débridées et ses nuits chaudes… Bien avant le Berghain et la Folsom, la capitale allemande apparaît déjà, sous la République de Weimar (1918-1933), comme un refuge pour les gays et les lesbiennes de toute l’Europe. Entre 65 et 80 établissements homosexuels, comme le Café Monbijou, l’Eldorado, le Dorian Gray ou le Dé Dé, ont alors pignon sur rue et un guide paru en 1928 (réédité en 2014 aux éditions GayKitschCamp) recense même ceux dédiés aux lesbiennes.
Paragraphe 175
Pourtant, derrière cette façade de tolérance, l’homosexualité (masculine) est toujours illégale chez nos voisins d’Outre-Rhin. Et ce, en vertu du fameux Paragraphe 175 du Code pénal, institué dès la naissance de l’Empire allemand, en 1871, qui punissait les relations “contre-nature” de prison et de la perte des droits civiques. Pis encore : alors que le nombre de condamnations annuelles avait diminué à la fin de l’Empire (et notamment durant la Première Guerre mondiale), il repart à la hausse sous Weimar, notamment après le procès, en 1924, d’un tueur en série homosexuel. Dans la seconde moitié des années 20, le gouvernement tente même d’aggraver les peines encourues dans certains cas et de pénaliser des pratiques comme la masturbation mutuelle… L’essai est infructueux, mais les partis de gauche (sociaux-démocrates, communistes et libéraux démocrates), minoritaires au Reichstag, échouent également à abolir le paragraphe infâme, malgré une vigoureuse campagne, menée notamment par le sexologue Magnus Hirschfeld et son Comité scientifique humanitaire. Toutefois, les peines les plus légères sont parfois transformées en simples amendes.
Une “ère bénie” par contraste
Mais le pire est à venir, et si la République de Weimar est aujourd’hui considérée comme une ère bénie pour les homosexuel·les, c’est aussi par contraste avec la période qui la suit. Dès 1935, les nazis durcissent la législation anti-homosexualité et le nombre de condamnations à des peines de prison ou même de déportation dans des camps de concentration s’envole. Le documentaire Paragraphe 175 (2000) de Rob Epstein et Jeffrey Friedman, ressorti en salles en début d’année et projeté en mars dans le cadre du festival Écrans Mixtes, revenait sur ces années terribles. Un film de fiction, Great Freedom, sorti le 9 février dernier, rappelle quant à lui que la criminalisation de l’homosexualité en Allemagne s’est poursuivie bien après la chute du IIIe Reich. La liberté et la tolérance relatives de Weimar semblent alors très loin ; la “légende dorée” qui entoure cette période peut ainsi s’édifier.
À voir :
Great Freedom de Sebastian Meise. En salles depuis le 9 février.
Paragraphe 175 de Rob Epstein et Jeffrey Friedman le 17 mai à 18h45 au Lumière Bellecour en partenariat avec Écrans Mixtes.
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