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Act Up, une histoire au présent

Aujourd’hui mythique mais ô combien controversée dans les années 1990, l’épopée militante des débuts d’Act Up a été racontée par son cofondateur, Didier Lestrade, dans un livre qui vient d’être réédité.

Il y a plus de 20 ans, Didier Lestrade dressait, dans un livre tout simplement intitulé Act Up, une histoire, un bilan de la première décennie d’existence de l’association de lutte contre le sida qu’il a cofondée, en 1989, avec Pascal Loubet et Luc Coulavin. Réédité en 2017 dans la foulée du succès du film 120 battements par minute de Robin Campillo, l’ouvrage est reparu cet automne, cette fois-ci en poche. Tout au long de ses 500 pages, on croise, bien sûr, de grandes figures disparues comme Cleews Vellay (“le meilleur président de l’histoire d’Act Up”, selon Lestrade, qui n’élude pourtant rien de leurs désaccords) et d’autres plus oubliées par la mémoire collective – mais pas par leurs ancien·nes camarades. On retrouve, surtout, ce qui a fait la force de l’association : une intelligence collective rare (ce qui n’exclut évidemment pas les engueulades), une foi inébranlable en la capacité des séropositifs à se former et à devenir des experts de leur propre maladie, un génie de l’agit-prop comme on en a rarement connu en France.

Bataille de mémoire

C’est sans doute ce caractère exceptionnel de l’activisme actupien qui explique que son héritage soit si disputé. Déjà, en 2017, plusieurs ancien·nes militant·es avaient noté avec ironie le contraste entre l’accueil critique dithyrambique réservé à 120 BPM et les tombereaux d’insultes médiatiques qui avaient accueilli chacune des actions coups de poing d’Act Up au début des années 1990 (dont la fameuse capote enfilée sur l’obélisque de la Concorde le 1er décembre 1993 – “totalement impossible aujourd’hui”, juge Lestrade). Ce succès public et critique (mérité) avait également amené à l’association, alors moribonde, des dizaines de jeunes militant·es, dont beaucoup n’étaient pas né·es lors des événements que retrace le film. Cet afflux de sang neuf s’était accompagné d’une crise de croissance et d’une rupture entre “nouveaux” et “anciens” – ces derniers finissant par quitter le navire et par créer leur propre organisation, Les ActupienNEs. Mais plus qu’une fracture générationnelle, c’est avant tout une bataille pour l’âme d’Act Up qui s’est jouée ici : les uns dénonçant l’abandon de la radicalité des premières années, les autres hurlant à la captation d’héritage. Plus de 30 ans après sa création, le leg de cette association à nulle autre pareille continue donc à déchaîner les passions. Raison de plus pour se replonger dans son histoire, ici contée par un guide forcément subjectif mais particulièrement doué pour captiver son lectorat.

À lire

Act Up, une histoire, de Didier Lestrade (Éditions La Découverte). En librairies.

© Marie Hache

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