Hétérosexuel

Hétérosexuel, vous avez dit hétéro ? 

Dans ce premier essai documenté au titre provocateur, Les hommes hétéros le sont-ils vraiment ?, la jeune autrice Léane Alestra explore les paradoxes de la masculinité, de la contrainte à être hétérosexuel au tabou de l’homosexualité masculine, avec habileté.

Quelle est la genèse de ce projet ? 

Léane Alestra : Ça faisait longtemps que je voulais écrire sur les masculinités, puis après la parution de Nos amours radicales beaucoup de lectrices sont venues me dire “comment faire pour que mon petit ami s’intéresse à ces questions” ou même “pour qu’il s’intéresse à moi” ! J’ai vu une vraie souffrance des femmes hétéros et il m’a semblé que la question était plutôt : pourquoi ne s’y intéressent-ils pas ? 

Dans la première partie du livre intitulée “Les potes avant les putes”,  vous consacrez un chapitre à l’amor viril.

C’est Georges Duby qui avance ce terme qui fait débat, on dit plutôt “homosocialité”. Par exemple on sait que les chevaliers vivaient entre eux, en compagnonnage, comme les templiers dont on est à peu près sûrs qu’ils avaient des rapports sexuels. Aujourd’hui on fait une relecture hétérocentrée des ces modes de vie mais il faut les voir pour ce qu’ils étaient. Ça a donné la bromance, qui a traversé la littérature du XIXe siècle. C’est aussi une stratégie militaire car c’est une manière d’instaurer un attachement, une confiance qui va assurer la survie du groupe, mais en même temps il faut de l’homophobie pour expier le doute. Il y a cette phrase célèbre : “Dans l’armée il n’y a pas de pédé, il n’y a que des hommes qui s’aiment”. 

Où se situent les racines de l’homophobie masculine selon vous ?

Au moment où l’homosexualité a été renvoyée au féminin. Il y a un basculement dans la philosophie avec la religion chrétienne : le péché de l’homme est de ne pas pouvoir contrôler son érection, et le péché de la femme est la séduction. Donc un homme qui séduit un autre homme est assimilé au péché d’Eve. Une anecdote parlante : quand le MLF a déposé une couronne sur la tombe du soldat inconnu avec une banderole qui disait “un homme sur deux est une femme”, ça a énervé les policiers qui ont compris “un homme sur deux est homosexuel”. D’ailleurs les insultes homophobes renvoient toujours au féminin. Le paradoxe c’est qu’il faut s’aimer entre hommes mais ne pas basculer du côté charnel car cela deviendrait féminin.

Vous démontez avec brio la conception erronée selon laquelle l’hétéronormativité serait naturelle et innée.

L’hétéronormativité n’est pas et n’a pas toujours été en vigueur partout dans le monde. Le fait qu’il y ait autant d’injonctions prouve que ce n’est pas naturel ou inné. Chez les animaux, on observe toutes sortes d’organisations sociales, les scientifiques le savent et le disent, mais on choisit de ne pas prendre en compte ces informations. Et puis il ne faut pas oublier que le terme hétérosexualité a été inventé – comme celui d’homosexualité – pour désigner une maladie mentale masculine : l’hétérosexuel désignait celui qui s’intéressait de trop près aux femmes !

À lire

Les hommes hétéros le sont-ils vraiment ? de Léane Alestra (JC Lattès). En librairies.

Rencontre avec l’autrice

Le 12 juin 2023 lors du Female Gaze Book Club au MOB Hotel à Lyon .

© Marie Rouge

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