représentation des LGBT+

La représentation des LGBT+ à l’écran : une affaire de visibilité ?

La visibilité des personnes LGBT+ s’invite au bar, à table du plat au dessert, lors de conférences et de tables rondes, dans des articles de presse ou des vidéos YouTube. Présent en occasions diverses, ce sujet n’en finit pas de diviser. Et un propos nous interpelle : la représentation des LGBT+ sur nos écrans est-elle trop importante ?

Pour se remettre de cette assertion apparemment illogique, il faut se pencher sur l’étude du GLAAD 2021-2022, groupe militant américain qui chaque année indique l’état de la visibilité LGBT+ à la télévision, sur les plateformes de streaming et au cinéma. Le constat calme notre étonnement : malgré une amélioration de leur visibilité, les personnages LGBT+ sont toujours minoritaires et représentés de manière stéréotypée. Leur représentation passe ainsi de 9,1 % des rôles joués en 2021 à 11,9 % en 2022. Soulagement de circonstance.  

Le GLAAD souligne aussi que la représentation des LGBT+ au sein de l’audiovisuel américain reproduit une sorte de stratification des marginalités qui serait à l’œuvre plus largement dans la vie réelle : ainsi, il est plus commode pour un spectateur de séries de voir des personnages blancs, masculins et cisgenres plutôt que racisés, féminins et transgenres. Toutes les marges n’ont pas encore le même espace sur les feuilles de script.

La visibilité des personnages LGBT+ est devenue un enjeu de surveillance et de contrôle pour deux camps : d’un côté, ceux et celles qui ont le souci de la favoriser et de l’autre, ceux et celles qui ont le souci de la condamner. Ces deux camps, sans avoir les mêmes intérêts, partent d’une même considération : la représentation des personnes LGBT+ à l’écran est un enjeu politique, en ce que donner de la visibilité à des personnages LGBT+ reviendrait à inscrire la fiction dans une vision réaliste faite du quotidien de la société, voire du monde.

Il n’est pas si aberrant, finalement, que le peu de place qui soit fait à la visibilité des personnages LGBT+ puisse être déjà ressenti comme une surreprésentation par ceux et celles qui souhaiteraient sa simple disparition.

La représentation suffit-elle à la visibilité ?

Cet argument démystifié, un autre se présente : ce n’est pas que d’une sous-représentation que les personnes LGBT+ souffrent, mais d’une mauvaise représentation. Celui-ci semble, innocemment, poser une question plus vaste : la représentation suffit-elle à la visibilité ?

Comme premier élément de réponse, il est possible de prendre le problème à l’envers en s’intéressant à une des raisons qui poussent les plateformes de streaming comme Netflix ou Prime Vidéo à montrer des personnages LGBT+. Est-ce parce qu’elles se soucient de représenter un monde inclusif qui respecte les différences et les diversités ? Peut-être. Cependant, les recommandations de l’étude du GLAAD à destination des plateformes apportent un autre éclairage : « l’appel à construire de nouveaux mondes et la demande pour plus d’inclusivité dans les séries et les programmes sont des opportunités majeures pour les programmateurs. ». Qu’en retenir ? Que le GLAAD sait parler le langage des parts de marchés aux plateformes de streaming, certes pour une cause noble.

Si la visibilité des personnes LGBT+ est un argument de vente, le risque est alors que sa représentation ait comme raison d’être principale de remplir des quotas, des grilles statistiques, de gonfler des études du GLAAD par exemple. Le pinkwashing dont est accusé Netflix n’est-il pas la preuve que le souci de notre visibilité disparaît sitôt que des intérêts économiques contradictoires sont présents ? Le pinkwashing dont Disney est accusé n’est-il pas le preuve que notre visibilité se cantonne volontiers à des rôles mineurs et des personnages lissés crypto-LGBT ?

L’enjeu de la qualité de la représentation

Dès lors,  se pose l’enjeu de la qualité de la représentation. Il n’est pas rare de voir des polémiques fleurir sur la manière dont certains personnages LGBT+ sont mis en scène (Josh Gad dans La Belle et la Bête), écrits (Max dans The L World), joués (Maura dans Transparent). 

Cela pourrait être nommé une esthétique. Une façon de présenter pour mieux représenter : par exemple, que les personnages LGBT+ renvoient à des enjeux de vie propre, des imaginaires communautaires, des façons et manières de se montrer authentiques. Or, les plateformes de streaming sont parfois accusées de participer à une homogénéisation des récits qui contraindrait la créativité, la possibilité de se renouveler par l’image et la narration. Et cette homogénéisation profiterait à des manières de se montrer et de se raconter qui sont hétéronormatives, soucis d’économie et de standardisation obligent.

La revendication d’une esthétique de la singularité, qui viendrait s’opposer à cette homogénéisation des récits, est alors tentante : celle-ci ouvre un débat aussi pertinent que sempiternel, celui des critères qui conditionneraient la qualité d’une représentation. Faut-il que les personnages LGBT+ soient joués, écrits et mis en scène par des personnes LGBT+ ? D’ailleurs, se pourrait-il que des personnages hétérosexuels puissent être joués par des personnes LGBT+ ? La question a l’avantage de poser les termes, mais le défaut d’être une lecture critique qui se pose en réponse à de la création artistique. Le risque est alors que cette critique ne soit pas intégrée à la création ; qu’elle ne reste qu’une lecture d’un problème, une interprétation.

L’accession au premier plan des personnages LGBT+ à une représentation médiocre, hypothèse qui prête à sourire, se pose en parallèle. Médiocre avec tout ce que cela comporte de jugement, médiocre comme un conte de Noël pas forcément bien original, médiocre comme une histoire d’amour aux dialogues éculés, médiocre car mièvre et pleine de bons sentiments. Pourquoi, donc, seuls les personnages hétérosexuels auraient droit à leurs montagnes de récits sans grand intérêt ? Pourquoi attendre à tout prix une représentation singulière qui comporte le risque de ne jamais advenir pleinement ? À une esthétique de la singularité semble répondre une esthétique de la banalité, au droit à la différence répond bien un droit à l’indifférence.

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