brooklyn secret header

“Brooklyn Secret” d’Isabel Sandoval : une femme amoureuse

Avec Brooklyn Secret, Isabel Sandoval, réalisatrice trans d’origine philippine, signe le portrait d’une femme amoureuse, Olivia, son alter ego, dans les rues de New York.

On peut se demander, en voyant le troisième et très beau film d’Isabel Sandoval, quel est ce secret que renferme Brooklyn et que promet le titre. Est-ce la transidentité que partagent l’actrice-réalisatrice et Olivia, son héroïne ? (Est-il besoin de souligner à quel point c’est exceptionnel de voir un film réalisé et interprété par une femme trans ?) Est-ce cette condition d’immigrée philippine sans papier qu’il lui faut cacher pour échapper à l’expulsion promise aux clandestin·es par l’administration Trump ? Ou est-ce un autre secret, moins concret peut-être mais tout aussi essentiel dans ce récit tout en nuances et en douceur — ce qui ne veut pas dire sans violence : le secret de ce qui se noue entre deux êtres, lorsque le désir fait de la place à d’autres sentiments ? Car voilà, plus qu’un portrait de femme trans, tout autant qu’un film politique sur l’immigration, Brooklyn Secret est un film d’amour, une romance inattendue entre une femme trans et un bad boy d’origine russe qui cherche difficilement à se ranger. C’est d’ailleurs une des plus belles réussites de la réalisatrice : ne pas avoir fait un film à thèses, ni un film de discours, ni un film revendicatif, ni même un film social, mais bien un drame romantique où ces dimensions — sociales, politiques, trans… — sont omniprésentes, comme autant de trames singulières et puissantes qui renforcent les personnages. Avec Olivia, avec Alex, son fougueux amoureux, avec Olga, la grand-mère dont elle s’occupe, avec ses amies trans qui sont sa famille d’adoption, Isabel Sandoval crée un galerie de caractères magnifiques et complexes, jamais réduits à un seul trait. Elle les filme comme elle filme New York : en prenant son temps, en les effleurant sans jamais les brusquer mais en révélant leurs fêlures, en évitant tout folklore touristique ou voyeuriste pour laisser surgir une rare part de vérité de cette ville et de ces êtres. Nourri bien entendu, sans être pour autant autobiographique, de l’expérience d’Isabel Sandoval, mais aussi de sa cinéphilie — comment ne pas penser à L’Année des 13 lunes de Fassbinder en découvrant qu’Alex travaille dans un abattoir ? —, Brooklyn Secret est une discrète merveille. 

Brooklyn Secret Isabel Sandoval Brooklyn Secret, de et avec Isabel Sandoval, avec Eamon Farren, Ivory Aquino…(JHR Films). En salles le 1er juillet.

Ce film a été programmé à Lyon en mars 2020 dans le cadre du festival Écrans Mixtes.

Poster un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.