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Édito #152 : L’indécence triomphante

L’Académie des César vient de dévoiler la liste complète des nominations pour la remise des prix du cinéma français 2020 dont la cérémonie aura lieu le 28 février et place en tête J’accuse de Roman Polanski avec pas moins de 12 nominations, dont celle de meilleur réalisateur.

Après la vague #MeToo qui a profondément secoué le cinéma américain, après le courageux témoignage d’Adèle Haenel, victime d’attouchements et de harcèlement sexuels au sein de la profession lorsqu’elle était âgée de 12 à 15 ans, on aurait pensé que les membres de l’Académie des César seraient enclins à un peu de retenue dans la célébration d’un homme plusieurs fois accusé de viol. 

Contrairement au ministre de la Culture, Franck Riester, qui voit dans cette pluie de nominations pour le film de Polanski l’expression de la liberté de l’Académie des César, nous y voyons plutôt la déconnexion totale de cette institution avec les évolutions actuelles de la société et la perpétuation d’un système oppressif, en mode boys’club qui se serre les coudes et se donne bonne conscience en brandissant l’étendard de l’Art. Non sans ironie, l’Académie, dont le président Alain Terzian a estimé qu’elle n’était « pas une instance qui doit avoir des positions morales », a d’ailleurs mis en compétition pour le César du meilleur film, aux côtés de J’accuse de Roman Polanski, Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma dans lequel Adèle Haenel tient le premier rôle et Grâce à Dieu de François Ozon qui suit le parcours des victimes d’agressions sexuelles du père Preynat dans leur quête de justice. 

Le problème n’est même pas la qualité du film de Polanski – la postérité jugera –, mais plutôt la lâcheté de l’industrie du cinéma qui continue à faire comme si les accusations n’existaient pas. Sans parler de l’audace outrancière du réalisateur lui-même qui n’a pas hésité à dresser un parallèle entre sa situation et l’affaire Dreyfus afin de promouvoir J’accuse. Insoutenable indécence qui annihile purement et simplement la parole des victimes. Plutôt que les oiseaux, ce sont les boomers prédateurs sexuels et leurs soutiens sans failles que nous aimerions voir se cacher pour mourir.

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