volcan

Accros aux crocs : le volcan

Finalement, Galaad avait choisi la survie. Sans doute parce que même une figure aussi romantique que le vampire ne meurt pas d’amour. Personne ne meurt d’amour. On survit. On traîne ses blessures avec soi mais on finit inéluctablement par avancer. Lui avait mis le cap au sud, optant pour un moyen de locomotion lent qui lui permette d’endurer véritablement le trajet, à la fois géographiquement et émotionnellement. 

Cette solitude qui s’était imposée à lui, il en avait fait une compagne de voyage choisie, presque choyée. Il l’avait promenée à travers les ruelles tortueuses de cette ville tentaculaire qui, des flancs des collines tout autour, semblait invariablement se jeter dans la mer. Il l’avait assise à ses côtés aux terrasses des bars qui bordaient les places, dans les pizzerias aux tables recouvertes de nappes immaculées, dans les salons des hôtels du lungomare. Rapidement, cette présence constante de la solitude n’avait plus été un poids et s’était même métamorphosée en atout. N’étant accaparé par rien ni personne, Galaad était totalement disponible, comme offert aux passants. Chaque regard insistant, chaque sourire à la dérobée, chaque geste un peu trop traînant devenaient une invitation à l’aventure. Et les ragazzi qui peuplaient cette métropole bouillonnante n’en étaient pas avares. 

Chaque soir, il buvait des negronis dans l’attente de celui qui lui offrirait sa gorge palpitante. Il écumait d’ordinaire les quartiers populaires du centre historique, dont les recoins sombres étaient propices à des rencontres furtives : une morsure rapide, quelques aspirations d’un sang chaud et sucré, avant de prendre la fuite. Un soir cependant, il avait suivi l’une de ses proies sur les hauteurs de la ville, dans les beaux quartiers aux artères plus larges et moins animées. Il avait pénétré un appartement où pendaient aux murs de nombreux tableaux et dont le sol était recouvert de tomettes de marbre coloré qui rappelaient celui des églises baroques parsemées dans la ville.

Arrivé sur la terrasse, il avait été saisi par la douceur de la peau de son compagnon de soirée, par l’odeur mêlée de tabac et de musc de ses cheveux bouclés, par la fougue de ses baisers salés à l’eau de mer. Puis il avait levé les yeux et il avait vu. Au-delà de la rambarde s’élevait, majestueux et imperturbable, surplombant la baie, ce volcan qui avait enseveli des cités entières. Et alors que montaient des quartiers populaires à leurs pieds les murmures de la foule grouillante et indifférente, Galaad avait su, au contact de cette force éruptive, qu’il pouvait enfin retrouver la jouissance. 

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