loi 6 août 1942

Aux origines de la “loi infâme” du 6 août 1942

Une étude de la Fondation Jean-Jaurès retrace l’histoire de la mesure du 6 août 1942 prise par le gouvernement de Vichy et qui discriminait les relations homosexuelles.

Si on a célébré, cet été, les 40 ans de la vraie-fausse “dépénalisation” de l’homosexualité, un autre anniversaire, bien moins glorieux, est, lui, passé à la trappe médiatique. Il y a 80 ans en effet, le 6 août 1942, le maréchal Pétain signait la loi n°774, punissant les “actes impudiques ou contre-nature” commis par un adulte “avec un mineur de son sexe âgé de moins de 21 ans”. C’est cette même loi qui est restée en vigueur jusqu’en 1982 et dont on a récemment fêté l’abrogation. Dans une note pour la Fondation Jean-Jaurès, Denis Quinqueton, ancien président de l’association Homosexualités et socialisme, propose une synthèse des travaux historiques sur ce texte méconnu.

Des racines “républicaines”

Pas plus que la loi du 3 octobre 1940 “portant statut des Juifs”, celle du 6 août 1942 n’a été imposée par l’occupant nazi. Celui-ci se préoccupait davantage de réprimer l’homosexualité lorsqu’elle impliquait la “race allemande” que lorsqu’elle concernait les nations vaincues. Il ne s’agit pas non plus, comme on l’a longtemps cru, d’une demande de l’amiral Darlan, chef du gouvernement de 1941 à 1942, qui se serait inquiété de la prostitution homosexuelle chez les marins.

En réalité, comme l’a montré l’historien Marc Boninchi dans son livre Vichy et l’ordre moral (2005), cette loi trouve son origine dans la IIIe République finissante. Denis Quinqueton rappelle ainsi que “tout au long des années 1920 et 1930, il se trouve des magistrats et policiers pour faire état, publiquement ou dans des rapports internes, de leurs regrets à propos de l’absence d’une législation pénale à l’encontre de l’homosexualité”, comme celles qui existent à la même époque au Royaume-Uni et en Allemagne. À la suite du procès d’un jeune homosexuel ayant tué son amant, les jurés chargés de le juger transmettent “un vœu au ministre de la Justice” pour que soit réprimé sévèrement “le racolage opéré par des majeurs sur de jeunes garçons”.

Pour les jeunes filles, en revanche, il n’est pas question de relever l’âge de la “majorité sexuelle”, alors fixé à treize ans… Un rapport est commandé par le ministère et, alors que la Seconde Guerre mondiale vient d’éclater, un sénateur du Bas-Rhin, Joseph Sigrist, s’en fait le relais auprès du gouvernement d’Édouard Daladier. Celui-ci accepte de mettre en œuvre ses recommandations à travers un décret-loi, qui lui permet de légiférer sans l’aval du Parlement. Mais les urgences du moment font passer à la trappe le projet. Il n’empêche : “il s’en est fallu de peu que la loi du 6 août 1942 ne soit l’une des dernières lois de la IIIe République”, note Denis Quinqueton dans ce rappel salutaire.

À lire 

Après son café au lait et sa tartine, Pétain réprima l’homosexualité, de Denis Quinqueton, téléchargeable gratuitement sur www.jean-jaures.org

© Marie Hache

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