croisée

Accros aux crocs : La croisée des chemins

Alors que Galaad sortait d’un hall d’immeuble sombre et humide où il venait de se repaître à la gorge d’un jeune éphèbe à la chevelure noire bouclée qu’on aurait juré tout droit sorti d’un tableau du Caravage, il décida de faire quelques pas à travers la ville afin de tromper cette mélancolie teintée d’angoisse qui ne manquait jamais de succéder aux nuits d’ivresse

Alors qu’il marchait à flanc de colline et que s’offrait à sa vue tout l’Est de la ville où s’élevaient des tours de verre toujours plus élancées vers le ciel étoilé et que se laissait deviner à l’horizon la chaîne de montagnes qui servait de frontière naturelle entre deux pays pour lui intimement liés, Galaad s’accouda quelques instants sur le muret dressé là en guise de garde-fou. 

À ses pieds, un va-et-vient incessant d’automobiles parcourait l’enchevêtrement d’asphalte, enjambant le fleuve, s’engouffrant dans les entrailles de la colline, disparaissant sous l’auto-pont ou resurgissant en direction du Nord. En position de surplomb par rapport au carrefour routier, il ne put retenir un frémissement de sourire face à l’ironie de la situation. Il était bel et bien à la croisée des chemins. Et il n’appartenait qu’à lui de s’engager dans une direction ou dans l’autre. De retenir à tout prix le passé, avec son lot de blessures encore profondes, certes, mais aussi ses réconfortantes habitudes, ou de se lancer à corps perdu dans le futur, parsemé de doutes impalpables et d’épreuves encore inconnues, et toutefois porteur de promesses désirables. 

Chaque pas dans un sens ou dans l’autre entraînait inévitablement une réaction en chaîne dont il était impossible de prendre la mesure à l’avance, et cependant rester statique n’était pas une option viable. Le statu quo aurait fini tôt ou tard par l’étouffer totalement, par le vider de ses moindres ressources, le laissant exsangue sur le bord d’une route en plein jour. Tout comme les étoiles qui n’en finissaient pas de mourir, il lui fallait poursuivre sa course, briller ardemment, brûler tout. D’une des fenêtres du bâtiment derrière lui s’éleva alors dans la nuit une chanson aux sonorités seventies, à la fois anachronique et intemporelle, portée par un dialecte lointain, d’au-delà les montagnes, qui charriait avec lui le ressac de la mer et qu’il avait déjà entendu sous d’autres cieux et dans d’autres bras : « E na follia / L’ammor senz e te che ammor è ». Cela pouvait-il constituer une amorce de réponse ? 

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