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La Queer Palm s’invite au festival de Cannes

Franck Finance-Madureira est journaliste et fondateur de la Queer Palm, le prix LGBT du festival de Cannes.

Comment vous est venue l’idée de créer la Queer Palm en 2010 ?

La Queer Palm est bien sûr inspirée des Teddy Awards de la Berlinale [les prix LGBT du festival de Berlin, NdlR]. Elle est née du besoin de donner une visibilité à des films queer, de les mettre en avant à une période où ces films avaient et ont encore du mal à se produire ou à se vendre et aussi de donner envie aux sélectionneurs cannois de les programmer.

QUEER palm Franck Finance-Madureira Sebastien Dolidon

Pourtant, 2013 a été une année faste pour les films queer français présentés à Cannes…

Oui, La Vie d’Adèle a reçu la Palme d’or, Les Garçons et Guillaume deux prix à la Quinzaine des réalisateurs et L’Inconnu du lac le prix de la mise en scène de la sélection Un certain regard et la Queer Palm. Mais cela reste un cru exceptionnel : malheureusement, toutes les années ne sont pas aussi riches.

Qu’est-ce qui peut encore freiner les distributeurs ? Est-ce la peur que ces films ne s’adressent qu’à une niche de spectateurs trop restreinte ?

Le gros problème des distributeurs, notamment en France, c’est qu’ils ne connaissent pas le public gay et lesbien. Ils l’appréhendent très, très difficilement. Les distributeurs de La Vie d’Adèle, par exemple, ont refusé des partenariats avec des médias LGBT comme Yagg et Têtu parce qu’ils ne voulaient pas se couper du grand public ! C’est une erreur totale parce que les distributeurs passent ainsi complètement à côté du cœur de cible de ces films. Ils ne comprennent pas que l’on peut à la fois cibler une communauté et être grand public.

Comment la Queer Palm est-elle reconnue par le Festival de Cannes ?

Cela reste un prix “off“, comme on dit en Avignon, qui n’est pas aussi officialisé que le sont les Teddy Awards à Berlin. Malgré cela, je pense que la Queer Palm a trouvé sa place parce qu’elle comble un vrai besoin. Notre premier soutien a été la presse, notamment la presse cinéma, qui a été très réceptive dès la première année. Ensuite, nous avons établi de bons contacts avec les différentes sélections et aujourd’hui nous travaillons main dans la main avec elles.

Vous arrive-t-il de devoir faire face à des critiques ou à des accusations de communautarisme ?

Oui, cela arrive encore régulièrement, mais beaucoup moins fréquemment depuis la libération de la parole homophobe à laquelle on assiste en France depuis un an et demi.

Quels sont les enjeux de la représentation de l’homosexualité dans le cinéma français d’aujourd’hui ?

Je pense que nous sommes entrés récemment dans une phase extrêmement intéressante, une phase de maturité, avec des problématiques plus adultes qu’autrefois. On est moins sur des thématiques qui étaient évidentes il y a encore quelques années, comme le coming-out, les amours secrètes, etc.

Quels seront les films les plus queer de cette 67e édition du festival de Cannes ?

Parmi les plus attendus, il y a bien sûr Bande de filles, le nouveau film de Céline Sciamma, qui fera l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs. Celle-ci s’achèvera avec Pride, une comédie qui évoque l’alliance éphémère entre des mineurs en grève et des militants homosexuels dans l’Angleterre de Margaret Thatcher. La sélection Un certain regard s’ouvrira quant à elle avec Party Girl et comprend notamment Xenia, le dernier film de Pános H. Koútras [l’auteur de L’Attaque de la moussaka géante et de Strélla, NdlR] : ce sera sûrement intéressant d’entendre ce qu’un réalisateur grec a à nous dire en ce moment… Sans oublier Darker Than Midnight, un film italien sur un jeune homme qui veut devenir chanteur.

 

Festival de Cannes, du 14 au 25 mai
Photo de Une : Bruce La Bruce © DR
Photo 2 : Franck Finance-Madureira © Sébastien Dolidon

 

Les lauréats de la Queer Palm

_2010_ Gregg Araki pour Kaboom ; pas de président(e) du jury
_2011_ Oliver Hermanus pour Beauty ; présidente du jury : Élisabeth Quint
_2012_ Xavier Dolan pour Laurence Anyways (long-métrage) et Benjamin Parent pour Ce n’est pas un film de cow-boys (court-métrage) ; présidente du jury : Julie Gayet
_2013_ Alain Guiraudie pour L’Inconnu du lac ; président du jury : João Pedro Rodrigues
En 2014, le président du jury de la Queer Palm sera le réalisateur canadien Bruce LaBruce, dont le très beau film Gerontophilia est sorti en France le 26 mars dernier.

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