Tab Hunter

Un docu sur l’acteur Tab Hunter, icône des 50’s secrètement gay

Un documentaire retrace la vie et la carrière de l’acteur gay Tab Hunter et rappelle combien il était difficile de vivre son homosexualité durant l’âge d’or d’Hollywood.

Les Américains adorent faire cela : choisir au sein de leur jeunesse un spécimen d’une exceptionnelle beauté, l’élever sur un piédestal, le parer de toutes les vertus puritaines (abstinence en tête), pour ensuite faire mine de découvrir, dans un mélange d’effarement et de délectation, qu’ils se sont mentis à eux-mêmes et que dans la vraie vie – ô surprise – les gens ont une sexualité et qu’elle ne correspond pas forcément à ce que la société attend d’eux. C’est donc un documentaire très américain sur un personnage très américain que propose le réalisateur Jeffrey Schwarz avec Tab Hunter Confidential.

Avant Britney, la petite fiancée de l’Amérique blanche et blonde qui votait républicain tout en vivant un amour pur et chaste avec Justin Timberlake (hum-hum), il y eut donc Tab Hunter, icône (elle aussi très blonde) des midinettes des fifties, gendre idéal que toutes les mères rêvaient d’accueillir à leur table, fils prodigue des années Eisenhower, acteur spécialisé dans les rôles de militaires au service de l’Oncle Sam et homosexuel dans le placard. Schwarz, qui s’est spécialisé dans le biopic documentaire de personnalités gay (il a ainsi dressé des portraits de la drag-queen Divine, du cinéphile et militant Vito Russo ou encore de l’acteur porno Jack Wrangler), retrace la vie et la carrière de cette gloire un peu oubliée (surtout de ce côté-ci de l’Atlantique) d’Hollywood.

De la gloire à l’oubli

Arrêté à dix-neuf ans dans un bar interlope, son anonymat d’alors permet à Tab Hunter d’échapper au scandale et il est rapidement repéré par Henry Willson, un agent gay qui compte parmi ses clients une autre vedette homosexuelle : Rock Hudson. Il débute en 1952 dans une improbable romance tropicale au titre prometteur, L’Île du désir, dans laquelle, de son propre aveu, il brille plus par sa plastique (il est vrai irréprochable) que par son jeu d’acteur. Sa gueule d’ange et son torse musclé (qu’il exhibe dans beaucoup de ses films !) lui valent de devenir en très peu de temps le chéri de ces dames. Mais tandis qu’il s’affiche pour les gazettes au bras de Natalie Wood, il vit en réalité des amours tumultueuses et secrètes avec un jeune patineur olympique, puis avec Anthony Perkins, pas encore révélé par son rôle de Norman Bates dans Psychose d’Hitchcock (1960).

À la fin des années 50, lassé de n’apparaître que dans des séries B, il rompt son contrat avec la Warner Bros. en espérant tourner dans des productions plus sérieuses. Mauvais calcul : sa carrière en pâtit immédiatement et il entame alors une traversée du désert.

Un second souffle grâce à… John Waters !

En 1981, le réalisateur John Waters, roi du trash et du mauvais goût revendiqué, a l’idée géniale de faire jouer cette incarnation de l’Amérique lisse et proprette face au travesti Divine dans Polyester. Tab Hunter accepte de prendre des risques avec son image et bien lui en prend : le film fait un carton et il retrouvera Divine quatre ans plus tard dans le western parodique Lust in the Dust (1985). Aujourd’hui retiré des plateaux, Tab Hunter, 85 ans aux prunes, a fait son coming-out dans une autobiographie à succès en 2005 et peut désormais s’adonner tout son saoul à sa passion pour les chevaux en jouissant de son anonymat retrouvé.

Comme dans son précédent documentaire, I Am Divine (2013), Jeffrey Schwarz livre un portrait très lisse de son sujet : une sorte de biographie autorisée de laquelle il ne faut attendre nul scandale ni révélation compromettante. N’espérez pas, par exemple, de potins croustillants sur les orgies gays organisées à Hollywood durant le règne des studios (telles que racontées par Scotty Bowers dans son livre Full Service en 2012) : le documentaire n’évoque ainsi que les quatre hommes avec lesquels Hunter a entretenu de longues relations amoureuses, sans jamais mentionner d’éventuels amants de passage. Tab Hunter Confidential n’en reste pas moins passionnant pour les cinéphiles qui retrouveront, au gré des extraits de films et des interviews, une pléiade de stars venus présenter leurs respectueux hommages à leur ancien collègue (de Clint Eastwood à la récemment disparue Debbie Reynolds).

Une visibilité en trompe-l’œil ?

Parmi celles-ci, Noah Wyle (un acteur de la série Urgences qui a débuté tout gamin aux côtés de Hunter dans Lust in the Dust) fait justement remarquer que, si les coming-outs de jeunes stars en début de carrière se sont récemment multipliés (de Kristen Stewart à Ellen Page), d’autres grands noms plus installés (de suivez-mon-regard à vous-savez-qui) restent obstinément dans le placard. Preuve que l’acceptation de l’homosexualité par Hollywood, si elle a fortement progressé depuis l’époque de Tab Hunter, reste largement incomplète…

 

Tab Hunter Confidential de Jeffrey Schwarz. En DVD chez Outplay Films

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