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Écrans mixtes : Les ragazzi de Pier Paolo Pasolini

Pour le centenaire de la naissance de Pier Paolo Pasolini, le festival Écrans mixtes accueille l’un de ses acteurs fétiches qui fut aussi son amant et son grand amour, Ninetto Davoli. Autant que la muse du cinéaste, Davoli est l’incarnation parfaite de ces ragazzi insolents, pauvres et beaux qui traversent toute l’œuvre de Pasolini.

Pasolini aimait les garçons. Ce n’est un secret pour personne. Mais les garçons que le cinéaste et poète aimait n’étaient pas ceux des beaux quartiers, c’était les ragazzi romains, adolescents désœuvrés des faubourgs les plus pauvres de Rome, frondeurs, solaires, voleurs, d’une beauté sans apprêts. Ils le fascinent, leur « vitalité désespérée » le captive. Ils sont le cœur de son œuvre, présents partout dès son premier roman intitulé justement Ragazzi di vita (Les ragazzi en français), publié en 1955. D’eux, il écrit, « Le travail : cent lires pour la mère et cent lires pour s’amuser. S’amuser, la seule envie qui tienne à cœur. La ville n’est que tentation. Le gosse qui trime pour gagner quelques lires n’a pas envie de travailler, il est né fatigué… Personne ne sait quelle âme légère et joyeuse ils ont, ces ragazzi di vita. Ils sont cyniques, trop experts, prêts à tout : mais il suffit d’un tee-shirt et d’une paire de chaussures, et voilà que même le plus caïd tremble. (…) Amour, consolation de la misère. Dans la facilité de l’amour, le déshérité se sent homme, et les jeunes se jettent à l’aventure sûrs d’être dans un monde qui a peur d’eux, qui a peur de leur sexe. Leur piété est d’être sans pitié, leur innocence est dans leurs vices, leur force est dans la légèreté, leur espoir, c’est de n’avoir pas d’espoir. »

(Anti)héros pasoliniens

Lorsque le livre est adapté au cinéma par Mauro Bolognini — Pasolini n’en signe que le scénario — et devient Les Garçons (1959), les ragazzi sont là bien sûr, mais un peu trop lisses pour être complètement ceux de Pier Paolo Pasolini, un peu trop policés et jolis sous les traits de Laurent Terzieff, Jean-Claude Brialy et Franco Interlenghi. Il faut attendre deux ans encore pour voir surgir dans toute sa splendeur le premier véritable ragazzo pasolinien, Accatone, héros du premier film éponyme réalisé par Pasolini, et interprété par un formidable acteur débutant qu’il repère dans la rue, Franco Citti. Fiévreux, séducteur, la mâchoire arrogante, le front haut, à la fois pur et voyou, il éclabousse l’écran de sa présence magnétique. Idéal (anti)héros pasolinien, on le retrouve presque inchangé dans Mama Roma (1962), mais aussi dans Le Décameron (1972), un peu voleur, un peu souteneur, “un peu pédé” aussi, comme il est dit dans ce film. De façon surprenante, Pasolini fait aussi de lui le personnage central de son Œdipe Roi (1967), et il y est magistral de rage contenue, arpentant le désert aveugle et le visage ensanglanté. 

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Ninetto Davoli, ragazzo ultime

À côté de Franco Citti, nombre d’autres ragazzi traversent les récits et les films de Pasolini, simples silhouettes, caractères périphériques mais physiquement omniprésents, pulls et maillots troués, le regard brillant, le corps alangui, offert, érotisé. Un seul autre peut faire figure de rival, et c’est celui sans doute qui tint le plus de place dans le cœur de l’artiste : Ninetto Davoli. Il a 15 ans lorsque Pasolini le remarque, en 1964. Il est menuisier. Ils deviennent amants. Cela durera neuf ans, mais même leur séparation ne changera rien à leur amitié et à leur proximité. Sa chevelure frisée, son visage toujours souriant et aux traits changeants, sa vivacité rigolarde s’invitent dans le cinéma de Pier Paolo Pasolini comme dans sa vie. Des oiseaux petits et gros (1966), Les Sorcières (1967), Théorème (1968), Porcherie (1969), Les Mille et une nuits (1974)… il illumine de sa fraîcheur, de sa candeur, de sa liberté l’œuvre du poète pour lequel il est à l’évidence le ragazzo ultime.

Hommage à Pier Paolo Pasolini dans le cadre d’Écrans mixtes 2022 :

Enquête sur la sexualité le 3 mars au cinéma Lumière Fourmi

Les Mille et Une Nuits le 5 mars au Zola

Master Class Ninetto Davoli le 6 mars à l’Institut Lumière

Des oiseaux petits et gros le 6 mars à l’Institut Lumière

Médée le 9 mars au cinéma Lumière Bellecour

 

FESTIVAL ÉCRANS MIXTES

À l’occasion de sa 12ème édition, le Festival de cinéma queer Écrans Mixtes propose pour la première fois une compétition de huit longs-métrages venus des quatre coins du monde, dont l’un sera récompensé du Grand Prix Écrans Mixtes-Mastercard. Le jury, composé de personnalités de cinéma telles que Jonas Ben Ahmed et Alexis Langlois, sera présidé par Catherine Corsini, invitée d’honneur de cette édition. Le festival proposera parallèlement une rétrospective de cette dernière, retraçant sa carrière depuis Les Amoureux jusqu’à La Fracture, Queer Palm à Cannes 2021. Bertrand Mandico, réalisateur des Garçons Sauvages et du récent After Blue, sera lui aussi convié à l’occasion d’une rétrospective partielle. Dans le cadre du focus « Maghribia Matrimonia », l’on pourra enfin découvrir cinq réalisatrices du Maghreb, qui mettent en scène par leur cinéma des figures de révolte féminines. Le tout sera agrémenté de nombreuses séances d’avant-premières de fiction (La revanche des Crevettes Pailletées, Tove, Les Battantes…) documentaires (tels que Rebel Dykes, Nos corps sont vos champs de bataille ou The Archivettes) et court-métrages, ainsi que d’une séance spéciale Alexis Langlois.

Du 2 au 10 mars 2022 dans la Métropole de Lyon / Retrouvez toute la programmation sur www.festival-em.org 

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